lundi 13 juillet 2020

Surdose d'informations

Franchement quand je vois la tonne d'informations que la société nous demande de traiter chaque jour, ça me donne envie de ne lire que du FALC (Facile À Lire et à Comprendre) !

Heureusement depuis quelques années j'ai arrêté de lire les plaques d'immatriculation et les pubs, c'est déjà ça en moins...

J'ai tendance à lire mot à mot et à tout lire pour ne rien louper, sans savoir chercher l'info ou lire en diagonal, donc ça tourne vite au cauchemar avec moi.

C'est pour ça que j'ai besoin de m'enfermer dans les jeux vidéo, car même si les informations à traiter sont nombreuses, une fois qu'on maîtrise, ces informations reviennent de façon récurrente et il n'y a pas grand chose de nouveau, contrairement à la réalité. C'est très rassurant et reposant !

J'ai du mal à accepter de prendre le risque de rater des informations dans un rapport de 400 pages. Manque de confiance en soit probablement ? Pour mon travail associatif il m'arrive d'être un peu obligé de mettre le nez dans certains rapports. Les avoir en format PDF et faire une recherche par mot clé m'aide beaucoup, mais j'ai toujours l'impression de passer à côté de quelque chose d'important.

De plus, quand je lis mot à mot, je m'imprègne du sens et j'intègre les données "en temps réel", donc je lis très lentement et il est très rare que je finisse un livre. Quand j'en fini un c'est seulement au bout d'un an minimum, pour ceux que je lis le plus rapidement.

En ce moment je préfère nettement les formats vidéo (Youtube particulièrement) car les infos y sont plus concises. Les échanges directs, par mail (format court) ou messagerie instantanée, ou une rencontre (visio ou face à face) sont privilégiés aussi.

Quand j'étais jeune je lisais beaucoup plus, mais je n'avais pas autant de responsabilité et je sens qu'avec l'âge, je commence à me fatiguer plus vite.

Notre société ne sait pas gérer l'information, même si nos moyens de communication nous permettent d'échanger plus, et plus vite, sur de plus longues distances, nous n'avons pas encore la maturité de savoir gérer ces échanges. Nous sommes donc tombés très vite dans une surdose d'informations. À vouloir tout savoir, tout comprendre et donner un avis sur tout, on fini par perdre le sens et l'intérêt de l'information. Je ne dirais pas que toute vérité n'est pas bonne à dire, mais les 3/4 des informations accumulées chaque années ne servent à rien et nous pourrions vivre mieux avec beaucoup moins. Au final je me dis qu'une information qui n'est pas utile concrètement ne sert tout simplement à rien et est juste encombrante.




vendredi 17 janvier 2020

Expert autisme

Le terme "expert" dans le domaine de l'autisme m'a toujours un peu gêné quand il s'applique à des autistes militants. Je me suis toujours dit qu'un expert était une personne qui avait fait de longues études et qui était reconnue par d'autres professionnels.

Mais aujourd'hui, ce terme me semble tout à fait adéquat, surtout en prenant conscience que le mot expert vient de "expérience". De fait, ne peut être considéré comme expert en autisme qu'une personne étant elle-même autiste. Un professionnel du médico-social sera expert dans l'approche scientifique, ou dans l'aide apportée aux autistes, mais aucunement dans le fait d'être autiste. Nous n'avons donc aucun complexe à avoir à être appelé "expert en autisme", qui n'est pas un titre ronflant mais une définition étymologiquement exacte de notre qualité. Il est important que nous soyons reconnus, notre expertise étant essentielle à l'établissement des politiques publiques en faveur des autistes pour sortir de la situation dramatique dans laquelle nous stagnons depuis des décennies, le seul regard des professionnels ou des parents n'étant pas suffisant.

Qui en effet peut rivaliser avec un autiste diagnostiqué à l'age adulte qui est autiste 24h/24, 7j/7, qui pense en autiste, qui mange en autiste, qui dort en autiste, qui travaille en autiste, quand on voit des professionnels refuser de participer à des travaux communs car ils ne seront pas rémunérés ou qu'ils sont en congés ce jour là ! Nous, autistes et familles d'autistes, nous n'avons pas de répit face à nos difficultés !

Pour être un expert en autisme, il faut, à mon sens, être diagnostiqué depuis au moins 5 ans, avoir participé à des actions communes pour l'autisme avec d'autres autistes et être reconnu comme fiable par ses pairs. C'est du moins ce qui me semble être idéal. Devenir un expert en autisme nécessite d'avoir mené une longue introspection pour comprendre en profondeur son mode de fonctionnement pour pouvoir le décrire de façon abordable par d'autres qui ne partagent pas notre condition. Les connaissances scientifiques peuvent être un plus dans les milieux médicaux, de la recherche, etc., mais je trouve préférable de rester à un niveau d'expression qui reste abordable par tous, scientifique ou pas.

L'expertise expérientielle, comme on l'appelle communément, est à la portée de toute personne autiste qui souhaite s'investir pour les autres, qui a su dépasser et gérer son handicap et qui a envie et est capable de s'investir un minimum socialement.

L'estime de soi

À mes yeux, le manque d'estime de soi est la base de la majorité des problèmes de l'humanité. Le manque d'estime de soi naît en partie parce que les gens ne nous connaissent pas, donc ne nous font pas confiance, donc on en vient irrémédiablement à manquer d'expériences positives et donc à manquer d'estime de soi parce qu'on n'a pas pu faire nos preuves.
Quelle confiance peut-on avoir en un enfant ? On ne lui confie pas grand chose, parce qu'on a peur qu'il ne fasse pas les choses correctement. Tout le monde n'agit pas comme ça heureusement, mais rare sont les bons pédagogues et c'est une tâche difficile quand on est parent que d'accepter que son enfant ait grandi.

Ensuite l'adolescent ou le jeune adulte prend l'habitude de se limiter lui-même par ce jugement permanent sur lui (que le jugement soit explicite ou implicite) et il ne trouve plus l'audace de tenter quelque chose à SA manière. C'est comme ça que la population est toujours infantilisée, car même si nous sommes adultes, on nous traite toujours comme des enfants. Et puis c'est tellement gratifiant pour ceux qui ont l'autorité de maintenir cet état des choses afin de conserver leur position, puisque eux-mêmes ont aussi des problèmes d'ego.

Alors on cherche des gens qui sont déjà "en place", qui ont une forte personnalité, qui savent s'imposer et on cherche à leur plaire (j'ai passé une bonne partie de ma vie comme ça !). On surestime les gens qu'on admire, dans un état d'esprit manichéen, où les autres sont forcément parfaits puisqu'ils paraissent plus "grands" que nous et qu'ils font des choses qui nous dépassent. Et puis vient le jour où cette personne nous déçoit ou nous trahit, et là c'est la chute, parce qu'on a collé notre ego à cette personne.
Nous cherchons à les imiter, comme si c'était possible en quelques jours, alors que ces choses qu'ils font, qui nous paraissent si extraordinaires, ils ont mis des années à y parvenir ! Leurs enjeux n'étaient pas les nôtres, ni leur contexte, ni leurs relations. Alors on y arrive pas et on se décourage, parce qu'on a voulu faire comme les autres, au lieu de faire ce qu'on avait à faire, petit à petit, étape après étape. C'est assez paradoxale de voir que pour nous, autistes, si souvent autocentrés, nous manquons tellement de repères personnels et nous cherchons à plaire à des maîtres qui ne nous méritent pas.

On peut s'inspirer des autres, mais jamais les imiter. La société n'a pas besoin de clones mais d'originalité, d'audace, d'authenticité.
Il faut briser les mythes et l'admiration que nous avons de certaines personnes, car nous sommes tous égaux. Certains mettent plus de temps à faire certaines choses, ou bien nous ne sommes pas appelés à faire les mêmes choses (beaucoup de mes collègues font des conférences, mais moi je m'y refuse... pour l'instant).

Il faut avant tout chercher à se plaire à soi-même et savoir qu'on est aussi des gros cons de temps à autres, et qu'il faudra l'assumer pour vivre mieux.
Nous sommes nos propres maîtres, nos propres parents. C'est ça être adulte : pouvoir s'enfanter soi-même.

La découverte du bienfait des bijoux

Jusqu'à présent je n'ai jamais été très bijoux, j'avais même tendance à trouver ça vulgaire. C'est vrai que je trouve l'abondance de bijoux en or très vulgaire. Mais je me suis rendu compte que les bijoux en acier me correspondent bien !

Pendant longtemps, j'ai toutefois porté un unique pendentif, qui pouvait être différent selon les années, et toujours avec un sens symbolique fort.
Ma compagne étant, elle, particulièrement intéressée par l'expression corporelle à travers les bijoux, tatouages et vêtements, je m'y suis ouvert et je me suis rendu compte que cette forme d'expression me convient bien plus que je ne le pensais. Peut-être le fait que j'y attache une valeur symbolique était-il fondamental en fin de compte, car aujourd'hui je suis sensible à cette question.

Il y a deux aspects intéressants selon moi. D'une part il s'agit d'un langage non-verbal, qui me semble plus abordable à maîtriser que ce que je présumais par rapport à d'autres formes d'expression non-verbale. Choisir ses bijoux ou ses vêtements, jouer avec les formes et les couleurs, est épanouissant pour déclarer ou proclamer sa place dans la société, dire qui l'on est tout en restant assez indépendant des styles connus (on peut mélanger les genres, faire ce qu'on veut, on s'en fout de ce que les gens pensent !). Les objets que je choisis viennent des milieux metal, punk, biker et parfois gothique. Ensuite je crée un look avec lequel je me sens en phase.
Subjectivement, j'ai l'impression d'être très excentrique, mais lorsque je me regarde dans un miroir et que je cherche à avoir un point de vue plus objectif, je me rends compte que par rapport à d'autres personnes, ce que je porte se remarque, mais sans plus.

Le deuxième aspect intéressant au port de bijoux c'est que lorsqu'on bouge, qu'on marche dans la rue, on sent les bijoux qui bougent aussi, on sent leur poids et donc on sent son corps, sa présence, ses limites. C'est un aspect des bijoux que j'aime beaucoup en ce moment, car je me sens davantage présent à mon corps, à mon ressenti corporel, je me sens ancré dans le monde. C'est aussi, selon moi, pourquoi beaucoup d'autistes n'aiment pas porter des bijoux, car les sensations peuvent ramener au physique et faire perdre le fil des pensées ou perdre la focalisation autistique sur les intérêts particuliers. C'est un peu comme une distraction qui éloigne de la pensée. Mais si la symbolique est forte, elle me permet de me ramener à moi-même ici et maintenant, dans le monde concret.

Choisir son bijoux peut prendre du temps car il y en a vraiment un grand nombre. Ensuite il y a l'endroit du corps où on va le mettre. Les combinaisons bijoux, couleur, position, sont très complexes et nous ramène à notre inconscient, car il faut sentir les choses, il ne s'agit pas que d'appliquer aveuglément des codes tout prêt.

En dernier lieu, c'est aussi du renforcement positif. J'ose m'exprimer, j'ose être qui je suis, j'ose me montrer, je m'impose et je me moque de ce que les gens pensent d'un métaleux punk de 43 ans.

Il y a un an je m'étais acheté un costume et lorsque je montais à Paris je le portais. C'était assez amusant de suivre la mode vestimentaire parisienne, le style à Embrun étant beaucoup plus sportif et décontracté. J'aimais bien ça, ça commençait à m'apporter un peu d'assurance, mais je n'étais pas forcément moi-même. Et puis je me voyais vieux dans un miroir. Lorsque je voyais des personnes plus jeunes dans la rue, des femmes aux tempes rasées, des hommes avec des dreadlocks, j'appréciais et j'enviais leur style sauvage et indépendant. Et un jour je me suis dit que je n'avais pas envie de vieillir comme ça, que je n'étais pas obligé de me ranger, quelque chose de profond a resurgi du profond de mon être et je me suis libéré en quelque sorte. Je suis un non conformiste dans l'âme, un marginal, j'aime la liberté et l'indépendance (même si tout est relatif bien sûr) !

Mon choix de bijoux :
Toujours de la camelote, pas cher (maximum 10€), assez rustique et pas forcément trop finement travaillée. Un style assez pauvre qui exprime mes conditions de vie précaire et le fait que le peu qu'on a peut satisfaire.
Il y a les bijoux cadeaux :
  • la bague stimming offerte par ma compagne pour marquer notre relation
  • une autre bague du même type qui appartenait à sa mère défunte (une autiste non diagnostiquée qui en a beaucoup souffert)
  • un bracelet torque, qui rappelle les parures celtiques antiques (les guerriers celtes sont pour moi une source d'encouragement, de renforcement et d'inspiration)
Ensuite il y a les bijoux au sens symbolique fort :
  • une bague tête de mort, un "memento mori" (rappelle-toi de mourir), pour me rappeler qu'il ne faut s'attacher à rien, que tout passe pour pouvoir se renouveler et évoluer, dans un mouvement constant
  • une bague tête de loup, parce que pour moi les autistes sont semblables à des loups, indomptables contrairement aux chiens domestiqués auxquels ils sont apparentés, capables de vivre seuls, indépendants et pourchassés, accusés de tous les maux, souvent à tort
  • une bague runique tiwaz, qui symbolise la victoire par le sacrifice, autrement dit, qu'il faut parfois faire des concessions pour obtenir ce qu'on veut
  • une autre bague runique, avec Gebo cette fois-ci, une rune en forme de X, comme deux chemins qui se croisent. Elle me rappelle que la vie est une rencontre permanente. On ne peut pas vivre seul, on n'est jamais complètement seul, tout est une question de relation, sinon plus rien n'a de sens
  • en dernier lieu j'ai une enclume en pendentif, qui symbolise une ancienne déesse celte des forgerons. J'aime ce symbole de la forge car il m'évoque la maîtrise du feu, qui permet de s'outiller et donc d'accéder à un niveau plus avancé de civilisation. Le feu, c'est aussi le feu intérieur, la passion et les émotions. Savoir maîtriser ses émotions c'est aussi accéder à un plus haut niveau de civilisation. Enfin, "l'âme" est forgée par la vie à chaque coup porté, qui nous purifie de nos imperfections, dans un rythme de chauffe et de trempe, dans le feu et dans l'eau, qui représente les moments difficile où on est "sur le feu" et les moments de détente qui sont une contrepartie nécessaire. Le travail du métal est brutal, soit par le feu, soit par les coups, soit par l'eau, ce qui me semble bien correspondre à la brutalité que je ressens dans la vie quotidienne.
Tous ces symboles me ramènent aux principes de la vie que je considère essentiels, à mes convictions, à ce qui me réconforte et me permet de l'exprimer pour trouver et prendre ma place dans ce monde en me donnant la force d'affronter son agressivité permanente.

L'algorithme de l'autisme

Je tente ici de résumer l'autisme, qui est souvent si complexe et paradoxale que les gens s'y perdent, dans ses points les plus essentiels.
C'est un essai, je ne garantie pas que tout le monde sera d'accord, mais c'est une synthèse entre mon expérience personnelle, ce que je connais personnellement des autres et ce que je sais des conceptions scientifiques que j'ai pu lire.
Voici donc, selon moi, le résumé de l'autisme, réduit à sa forme la plus élémentaire et cohérente et les moyens de le gérer :

L'autisme est une spécificité neuro-développementale qui entraîne des particularités sensorielles, par conséquent aussi perceptives, qui se manifestent par des particularités comportementales et communicationnelles, entraînant un handicap vis-à-vis de la société telle qu'elle est aujourd'hui.

4 axes importants dont il faut se rappeler :
- 2 pour reconnaître l'autisme : la base qu'on retrouve chez tous les autistes, ce sont les particularités de communication et les centres d'intérêts envahissants (la dyade autistique). Tout les autres signes d'autisme se développent autour de ces deux là.
- 2 pour savoir comment le gérer : toujours viser l'autonomie et le bien-être (notions qui varient d'une personne à l'autre).
Donc :
A = spécificité neuro-développementale >> particularités sensorielles >> particularités perceptives = particularités de communication + de comportement / recherche d'autonomie + recherche du bien-être

En mode "frénésie guerrière"

C'est assez nouveau pour moi. Depuis plusieurs moi je suis très actif. Beaucoup plus dynamique, concentré, discipliné, rigoureux, j'arrive à prendre sur moi pour m'investir sur tous les fronts. Vie de couple, vie de famille, activités associatives, je m'occupe de ma maison, je fais des démarches avec ma compagne, je remplis des dossiers, je rencontre des gens, je participe à des réunions où j'apporte mon point de vue sur l'autisme.
Mon planning s'est bien rempli et j'ai un rythme de presque une ou deux tâches importantes par jour chaque semaine depuis plusieurs mois.

Au début j'ai senti que les choses s'emballaient et j'avais tendance à avoir un réflexe de repli, mais j'avais besoin de m'investir socialement après plusieurs mois de retrait intensif, alors je me suis laissé emporté par le courant. J'ai tout de même veillé à préserver chaque jour un temps dans ma bulle de mondes virtuelles à travers les jeux vidéos, certains jours jusqu'à me forcer à jouer même si je n'avais pas envie afin de maintenir l'équilibre, tant l'investissement extérieur me faisait plaisir tout en me fatiguant beaucoup.
En général je vais travailler à mes diverses tâches du matin jusqu'au milieu d'après-midi, ensuite je prends du temps pour moi, un peu plus enfermé dans ma bulle.

Après plusieurs mois de fonctionnement à plein régime, à force de sortir de ma bulle chaque jour et de voir du monde, ça me met sur les nerfs et j'utilise cette énergie en la canalisant pour me "propulser en avant" (ou au dehors), comme si je me nourrissais de ma propre souffrance, un peu comme quand on se bat et que la douleur ressentie par les coups reçus donne l'énergie nécessaire pour se défendre. Je veille quand même à ne pas dépasser mes limites en étant attentif aux signes d'un éventuel craquage et je me tiens à l'extrême limite.

À force, je suis plus combatif, je ne fais plus attention aux difficultés ressenties, comme par la chaleur durant la canicule, le bruit des travaux dans la rue, la fatigue. Je m'habitue à l'inconfort, aux tensions sociales, aux petites difficultés de la vie quotidienne et je remplis les objectifs que je m'étais fixés sans faiblir. Je cherche même une certaine austérité, je choisis les méthodes plutôt difficiles que faciles, dans un esprit sportif, ou guerrier, comme un soldat qui ne ressent plus les petites blessures dans la fureur du combat. Réussir à vaincre les situations autrefois impossibles à surmonter, arriver à trouver ma place dans la société, recevoir l'appréciation des gens qui m'entourent et avec qui je travaille, tout cela est bon pour mon estime de moi-même, ça renforce ma personnalité, qui se développe de plus en plus et j'ai toujours envie de davantage de petites victoires, de difficultés surmontées, de défis à relever. J'avoue que depuis deux semaines, où j'ai géré mon dossier MDPH, mon dossier d'aide sociale, l'achat d'une voiture, la carte grise, puis maintenant la vente de mon ancienne voiture et le dossier carte grise qui va avec, plus l'assurance et un changement de banque dans la foulée, sachant qu'après j'ai le dossier ITEP de mon fils à faire, je sens que je commence à saturer... mais je me gère en prenant plus de temps pour moi et en acceptant que tout ne soit pas fait de façon parfaite.

Je suis enragé, survolté, méchamment déterminé, j'ai régulièrement envie de taper les gens qui m'énervent par leur bêtise ou leur mollesse, mais je me tiens tranquille et je réserve l'expression de ma violence aux jeux vidéos.
Pour la vie sociale, la maîtrise de soi est de rigueur. La violence des autistes est quelque chose dont on parle peu. Quasiment jamais portée sur des personnes, mais plutôt sur des objets, être autiste c'est être constamment agressé par toute sorte de choses. Il y a un moment où l'on fini par exploser. On peut casser du matériel, hurler, se rouler par terre, mais on peut le plus souvent se renfermer sur soi, pratiquer des auto-mutilations ou entrer en conflit avec les gens jusqu'à la rupture de relation.

En fait, c'est comme le principe du moteur à explosion. Lors de l'accumulation de gaz dans un milieu clos, comme dans une maison, si le gaz est mis en contact avec une étincelle, il s'ensuivra une violente explosion. Mais si on injecte un gaz dans un cylindre de moteur de voiture, et qu'on le met en contact avec une étincelle, l'explosion ainsi provoquée va créer une force de propulsion. De la même façon, il me semble que toutes les petites agressions de ma vie quotidienne sont compartimentées et "allumées" au fur et à mesure de leur apparition. Avant j'avais tendance à beaucoup prendre sur moi, à accumuler jusqu'à ce que j'explose pour une broutille, une goutte d'eau qui faisait déborder le vase. Personne ne comprenait pourquoi j'explosais de colère à ce moment précis car la situation ne semblait pas dramatique. Aujourd'hui, cette façon de gérer en multiples micro colères quotidiennes me permet d'avancer dans la vie et d'avoir une vie un peu plus comme tout le monde.

Seul bémol, mon état permanent d'excitation peut parfois être un peu difficile à supporter pour des gens qui ont davantage besoin de repos ou de repli autistique. Je dois certes être un peu névrosé, "masochiste", mais qu'importe, ça fonctionne, je suis heureux, épanoui et j'arrive à trouver mon utilité dans la société et pour moi c'est important.

"Sonnez et entrez"

La société est comme le cabinet d'un médecin. Si vous sonnez et que vous attendez qu'on vous ouvre, vous n'y entrerez jamais.

Inutile de vous plaindre. Ce n'est pas que personne ne vous aime ou que vous êtes nul, c'est juste que vous devez comprendre qu'il ne faut pas toujours attendre l'accord des autres pour agir.

Je n'ai pas à faire le fier, j'ai compris cela il y a seulement quelques mois.
Dans l'association où je suis actif, je faisais beaucoup de propositions qui restaient sans suite, car j'attendais toujours l'accord des autres membres responsables, qui n'avaient pas forcément toujours le temps de me répondre. Ne voulant pas les déranger, je n'insistais pas davantage et ne présentais qu'une fois ma proposition, qui finissait souvent aux oubliettes, perdue dans le flot du fil de discussion.

Ah, le manque de confiance en soi, l'impression de toujours être moins que les autres ! Que de potentiel perdu !

Je me suis alors renfermé sur moi-même pendant plusieurs mois, me disant que je ne trouvais pas ma place, que j'étais trop loin de tout pour pouvoir agir, que personne ne se souciait de ce que je pouvais faire. Et puis un jour, un membre de notre organisation nous a lâché, subitement. Comme il avait récupéré une partie de mes fonctions, je me suis remis à l’œuvre avec une motivation mue par la colère, colère contre moi-même avant tout, de ne pas avoir suivi tout ce qui s'était passé, d'avoir laissé faire n'importe quoi.
Alors j'ai tout repris en main et depuis je ne me suis plus arrêté, à tel point que faire ce que je considère être utile et juste en prévenant mais sans attendre d'autorisation est devenu une seconde nature qui me sert dans la vie de tous les jours.

Hier chez le vétérinaire pour faire castrer mon chat (qui a un caractère assez sauvage mais que je peux maîtriser), je souhaitais rester près de lui et le tenir pour la piqûre d'anesthésie. La vétérinaire avait sa propre façon d'agir avec une cage de contention. Mais j'ai insisté pour le tenir moi-même et ça s'est effectivement bien passé. J'ai pu ainsi éviter à mon chat une expérience plus difficile qu'il n'était nécessaire.

Pareil quand je l'ai récupéré. Les vétérinaire l'avait mis dans un caisse plus solide que la mienne, car ils avaient peur que trop énervé, il finisse par réussir à ouvrir l'ouverture du haut de sa caisse que j'avais scotché le matin même. J'allais donc devoir partir avec deux caisses, mais je n'avais aucune envie d'être obligé de revenir. Je suis donc allé dans leur bureau (ou l'une des vétérinaire était en train de remplir nos papiers pour l'assurance) et j'ai dit que je voulais le remettre dans sa boîte, car je savais qu'avec moi ça se passerait bien et que je pourrais le calmer. C'est ce que j'ai fait, et je me suis épargné un retour inutile au cabinet.

Notre vie est précieuse et précieux aussi notre temps, comme pour tout le monde.

Voilà le mot d'ordre : "sonnez et entrez". Faites ce que vous avez à faire. Personne ne vous fera entrer dans la société, personne ne vous amènera à prendre votre place. Au mieux vous aurez un peu d'aide, mais comptez avant tout sur vous même et n'hésitez pas à "utiliser" les gens autour de vous, ceux qui ont des compétences que vous n'avez pas. Les autres font ça aussi avec vous, ce n'est pas mauvais, c'est du "gagnant-gagnant". Faites ce que vous voulez (sauf ce qui est clairement interdit), vous verrez bien si on vous arrête !

Le besoin de tout complexifier

Anticipation, organisation, structuration, cohésion, administration, classification, ordonnancement logique... voilà des mots qui me font vibrer !
Les autistes ont tendance à vouloir tout anticiper pour éviter les surprises, surtout les mauvaises. Du coup ils essaient de prévoir tous les besoins et tentent d'y répondre. C'est un petit côté maniaque (au sens commun du terme), il faut bien l'avouer.

Par exemple, dans la création d'une association, j'aurais tendance à être celui qui travaillera le plus possible à la structuration : moyen de communication interne et externe, administration conforme aux obligations légale, gestion rigoureuse des finances, en essayant de n'oublier aucun détail. Le résultat est un système qui peut être complexe, parfois difficilement abordable par les autres membres. Je l'ai aussi déjà vu chez d'autres, qui sont plus créatifs que moi et qui débordent d'idées novatrices au point que ça en devient difficile à suivre.

La solution peut donc être de simplifier tout ce qui a déjà été fait en le rendant plus abordable, si la personne à l'origine de ce travail y consent et ne le prend pas mal. Pour beaucoup, c'est une question d'ego, une question justifiée après des années de mépris et de manque de considération de la part des "autres", mais il faut avant tout rester fonctionnel. C'est bien de vouloir faire ses preuves, mais il faut aussi trouver sa place et ce n'est pas quelque chose qu'on peut faire tout seul.

C'est difficile pour moi de percevoir à quel point les outils que j'ai mis en place pour les autres peuvent être difficiles à intégrer dans le quotidien pour ceux qui ne l'ont pas structuré eux-mêmes. Mea culpa, j'ai fait aussi bien que je pouvais en essayant de penser à tout le monde et de répondre à une logique commune... mais ça ne fonctionne pas toujours car nous n'avons pas tous la même logique et ça j'ai vraiment du mal à l'accepter !

Un autiste aura souvent du mal à voir que ce qu'il a élaboré peut être optimisé... mais surtout pour lui et qu'il faut vraiment travailler à l'écoute de l'autre pour s'adapter et créer quelque chose de plus pratique pour tout le monde, ce qui est difficile quand on a un tel niveau d'exigence. J'avoue, c'est tellement plus facile de se dire que les autres sont des cons !

C'est un des points que je dois travailler avec ma psychologue en ce moment : les autres peuvent percevoir les choses différemment, avoir d'autres besoins, avoir une autre logique et peuvent aussi faire des erreurs. C'est la vie !

Notre vraie valeur

Durant cet hiver j'ai passé une période difficile, de fatigue, de découragement et de confusion, où j'ai fini par lâcher prise pour comprendre que j'ai le droit d'être vivant sans avoir un dû à payer à la société pour ça. Ce que l'on produit pour la société est devenu absurde : sur-production, surconsommation, de ce dont personne n'a réellement besoin.

L'arbre est utile à l'écosystème parce qu'il produit de l'oxygène, non pas parce que c'est sa volonté ou son envie ou qu'il se sent obligé de le faire, mais parce que c'est dans sa nature.

On sait depuis longtemps que l'être humain a un problème entre l'être et l'avoir, mais je découvre qu'on a aussi un problème entre l'être et le faire. La valeur d'un individu ne se mesure pas à sa capacité d'action, sinon beaucoup de tétraplégiques n'auraient plus aucune valeur. Certains arbres doivent être plus utiles à la vie que nous juste parce qu'ils se tiennent à leur juste place, tout simplement.

Ce doit être le fait de vive à la montagne, un peu isolé du reste du monde, qui me fait prendre conscience de cela. Quand on est face à la montagne, les choses prennent une toute autre dimension. J'ai l'impression que le mieux dans la vie pour être vraiment utile, c'est de comprendre cette vérité fondamentale, qu'on ne sert à rien. C'est sans doute pour cela que tant de gens doutes d'eux-mêmes alors qu'ils s'épuisent au travail, parce qu'ils cherchent leur valeur, ou à prouver leur valeur, dans le "faire". Je ne dis pas qu'il ne faut œuvrer à rien, je dis juste qu'il faut peut-être faire autrement et que la réelle motivation compte pour beaucoup.

Si on oublie de vivre, ça n'a plus aucun sens de se battre. Durant une longue période, je n'ai pas su apprécier la présence de mes enfants parce qu'ils me gênaient dans mon action associative. Aujourd'hui je comprends que le plus important c'est le temps (et la qualité du temps) de la rencontre avec l'autre, que ce soit mes enfants ou d'autres personnes. Je ne me sens plus acteur de la vie, mais participant de quelque chose de plus grand qui nous dépasse, quelque chose de fondamental.

Toujours en alerte

Les jeux vidéos sont pour moi une métaphore de la vie et me permettent souvent de réfléchir à ma façon d'aborder les situations de la vie réelle. Hier je jouait avec mon fils à Destiny (un jeu de tir à la première personne qui se passe dans un futur lointain). Nous étions dans un vaisseau ou plusieurs types d'ennemis se battent, se renouvelant à l'infini. On ne peut pas gagner, juste combattre. Une sorte de Valhalla des vikings en quelque sorte. J'aime bien ce vaisseau, à cause de ses ruines et de ses bruits de guerre. C'est un peu mon côté sombre qui s'y exprime.

Au début nous prenions les missions et remplissions nos objectifs. Mais au bout d'un moment je me suis rendu compte que quelque chose clochait. Nous errions dans le vaisseau, courant, ramassant des objets, tuant des ennemis, alors que nous n'avions même plus de mission en cours.

Courir, tuer, courir, tuer... sans objectif précis, sans comprendre pourquoi, comme si on cueillait des fleurs pour le plaisir, dans un total abrutissement après des heures de combat virtuel, le regard perdu, en mode automatique, sans se poser de question. Frénésie du combat, quand le seul but à la vie est de rester vivant, coûte que coûte... même en virtuel.

"Il se leva, et frappa les Philistins jusqu'à ce que sa main fût lasse et qu'elle restât attachée à son épée." 2 Samuel 23/10

Quand j'ai relu ce verset de la bible aujourd'hui les larmes me sont tout de suite montées aux yeux. Il me revient souvent en tête en ce moment. Je l'ai lu il y a 20 ans et je ne l'ai jamais oublié. Pourtant, dans la longue généalogie duquel il est tiré, il semble souvent insignifiant à la plupart des lecteurs qui ne le remarquent même pas. Pour moi, autiste, il est très parlant. Il correspond à ce dont j'ai pris conscience durant le jeu avec mon fils. Être autiste, c'est être un résistant dans une ville assiégée qu'on refuse de quitter, c'est un combat quotidien contre un ennemi dont tout le monde ignore l'existence. C'est un combat sans fin, qui dure de toute éternité et pour toujours.

Dans ce jeu, quand je combat aux côtés de mon fils, c'est le seul moment de la vie où l'on peut nous voir comme des frères d'armes. Autrement, nous semblons n'être qu'un père et son fils. Mais où est la réalité finalement ? Pour le coup, le jeu, avec ses ruines, ses bruits de guerre, ses ennemis qui nous agressent continuellement, me semble plus vrai que ce qu'on appelle communément "la réalité". Ma réalité à moi ressemble à ça. C'est le monde réel qui semble être un décor ridicule. C'est un problème que les vétérans connaissent bien : la guerre est une chose dont on ne revient jamais et il faut continuer à vivre comme si de rien n'était. La situation des autistes en France est un véritable Verdun psychologique, où nous passons notre temps terrés comme des rats dans des tranchées, quand nos "chefs" eux-mêmes ne nous tirent pas dessus pour nous en faire sortir. En même temps, il faut bien sortir des tranchées un jour ou l'autre après tout. Qu'a-t-on à perdre quand on est déjà mort ?

Certains en profiterons peut-être pour dire que "les jeux vidéos, c'est mauvais", surtout quand on joue autant. Mais jouer, pour moi, c'est circonscrire le combat à un rectangle lumineux dans lequel on peut arriver à gagner. Et quand on en a assez on peut toujours éteindre la console. C'est toujours moins pire que la réalité, que ce que mes yeux voient quand je quitte l'écran : le combat de la vie réelle, qui nous abrutis chaque jour, nous fait courir partout, sans comprendre où l'on va, pour se battre pour des causes perdues, où toutes les valeurs sont inversées, où l'on ne peut plus croire en rien, ou rien ne tient jamais, comme si nous construisions des châteaux de sable en pleine marée montante.

C'est un peu rassurant de jouer. Au moins on se dit que l'horreur de l'humanité n'est qu'une fiction, pendant un temps. L'autisme est un peu le pays des enfants sans paupières, qui ont du mal à être vraiment heureux parce qu'ils ont trop conscience du monde tel qu'il est, du moins c'est mon cas. Je suis horrifié par ce que mes yeux voient, et je ne parle pas des jeux vidéo bien entendu.

Dans Destiny, il y a trois factions auxquelles ont peut adhérer. La première dit qu'il faut se trouver un dirigeant et s'enfermer derrière un mur pour se protéger des ennemis, la deuxième dit qu'il faut s'enfuir très loin et quitter le système solaire. La troisième, celle que j'ai choisie, enseigne qu'il y a aura toujours une guerre à faire quelque part, alors il vaut mieux apprendre à aimer cette vie de guerrier et se préparer aux guerres futures.

C'est comme dans la vie réelle, il faudra bien apprendre à aimer et la guerre et le dénuement, car l'humanité ne nous a jamais rien accordé d'autre et vue le contexte actuel, ce n'est pas prêt de changer. Nous cherchons tous à vivre en paix, mais il y a le combat pour les autistes, le combat pour les personnes de couleur, le combat pour les homosexuels, les personnes transgenres, et la liste est encore longue, de combats qui n'ont même pas encore été gagnés. Quand je regarde la société, je ne vois aucune civilisation.
Drôle de constat aujourd'hui : ça fait déjà plusieurs mois que je n'avais même pas pris le temps d'être triste !

Allez, il faut que j'y retourne. Mon Valhalla m'attend.

Liberté d'expression

Dans notre pays, le pays des droits de l'homme, où tout le monde semble "être Charlie", il est curieux de voir à quel point le jugement est devenu de plus en plus la norme. Il faut faire taire celui qui n'est pas dans la droite ligne de la pensée majoritaire. Quand on lit des propos "anti-autiste" ou "anti-parents", ou même pourquoi pas racistes, sexistes, homophobes, on veut censurer, comme l'inquisition au Moyen-Âge. Mais je trouve qu'il est plus utile de profiter de l'occasion pour relever le débat, pour poser les questions qui font réfléchir, pour remettre en question, du moins si l'on a affaire à une idée un minimum élaborée, pas avec ce qui n'est qu'une insulte ou un appel au meurtre. À celui qui dit « les femmes aux fourneaux » il n'y a rien de constructif à répondre bien sûr, sa pensée n'étant pas assez élaborée pour pouvoir y trouver quoi que ce soit d'intéressant. Il faut profiter de chaque occasion de mettre en avant les idées que l'ont croit être les meilleures et bien souvent, ceux qui ont des idées rétrogrades montrent par leurs propos que leur raisonnement ne tient pas debout. Discuter avec eux devant un public c'est comme les laisser creuser un trou dans lequel ils tombent eux-mêmes.

Mais la censure n'a jamais rien de bon et donne l'impression sur nous sommes des fondamentalistes plutôt que des philosophes. Alors, la bien-pensance serait-elle devenue une nouvelle religion ? Le rejet de l'autre, tout le monde s'en croit à l'abri et se défend bien d'être intolérant, mais ce que je vois sur internet me prouve le contraire. Ce sont des individus lambda qui s'opposent, s'affrontent, se condamnent les uns les autres à l'anathème, parce qu'ils ne sont pas capable d'entendre une pensée différente. Quelque part, il semblerait que leurs convictions soient fragiles et que la moindre remise en question risquerait de faire tomber le château de carte qu'est leur conception du monde.

Les parents veulent toujours rassurer leur enfants en les éduquant, en leur disant ce qui est juste. Il est vrai que cette façon de procéder est utile durant les premières années de la vie, mais il me semble que rapidement il faudrait plutôt apprendre à l'enfant à raisonner par lui-même, à trouver dans son propre fond ses valeurs fondamentales, en lui apprenant à se soucier des autres, à voir la conséquence de ses actes, à prendre goût à sa propre amélioration dans la confrontation aux idées des autres. Les gens voient avec une telle facilité ce qui les opposent plutôt que ce qui les unis. Ils n'ont pas le goût de la différence, ils n'ont pas compris que la vie est basée sur la diversité et que leur pensée se consolide sur la contradiction des autres. N'y a-t-il qu'une seule espèce d'insecte ? N'y a-t-il qu'un seul type d'atome ? Trouve-t-on dans l'univers deux planètes qui soient parfaitement semblables ? Même les empreintes de nos deux indexes sont différentes. La diversité c'est la vie. Je me réjouis toujours de voir des gens penser différemment de moi, m'exposer leurs idées, m'expliquer pourquoi ils pensent que j'ai tort sur certain point. J'accepte toujours avec un grand intérêt la critique, parce que j'en fais quelque chose de constructif. Mais c'est un effort qu'on doit faire soit même sans l'attendre des autres.

Merci les non-autistes

Je tiens à remercier quelques personnes non-autistes qui m'ont beaucoup aider dans mon parcours :
- mes parents, en premier lieu, qui ont toujours été là pour me sortir de situations délicates
- Rémi Dubois, père d'un enfant autiste, qui a toujours faire preuve de compréhension à mon égard et d'ouverture d'esprit quand on travaillais ensemble à la poissonnerie
- Véronique Gonfard, présidente de Sésame Autisme 05, qui m'a donné le numéro du psychiatre qui m'a diagnostiqué
- Bruno Gepner, psychiatre qui m'a diagnostiqué, qui s’investit énormément pour les autistes et qui prend son travail au sérieux
- l'équipe de l'ITEP de Chantercier (04) qui a su m'écouter et respecter mon avis d'adulte autiste quand je parlais de mon fils, qu'ils ont brillamment aidé à prendre sa place dans la société, sans être pour autant des experts en autisme (comme quoi, il suffit simplement d'être humain parfois, et d'aimer son métier)
- Isabelle Pietravalle, pour son accueil chaleureux en région parisienne quand j'en avait besoin, sans oublier tout ce qu'elle fait pour les autres autistes
- et dernièrement Fabienne Serrano, secrétaire de Sésame Autisme 05, dont l'interview réalisée récemment m'a permis de retrouver le goût de l'activité pour l'autisme
- Céline Eynac, de la MDPH, qui travaille dur pour nous à nous rendre la vie meilleure.
Et j'en oublie certainement beaucoup d'autres...

Cela nous rappelle que la lutte pour les droits des autistes, comme toute lutte pour les droits humains, n'est pas la lutte d'une catégorie de personne contre une autre, (femmes contre hommes dans le féminisme, personnes de couleurs contre blancs dans la lutte contre le racisme, homosexuels contre hétérosexuels dans la lutte contre l'homophobie) mais une lutte des gens respectueux et bienveillants contre les ignorants rétrogrades à l'esprit fermés.

Alors merci les non-autistes qui nous soutiennent, nous encouragent, nous valorisent, nous apprennent à vivre dans ce monde étrange et qui sont réceptifs à ce que nous pouvons y apporter.

Moins limités qu'avant

J'ai remarqué depuis quelques temps que je ne suis plus aussi maladroit qu'avant. J'arrive souvent à récupérer par réflexe un objet qui est en train de tomber. Ce n'est pas toujours le cas, et je suis toujours aussi médiocre pour attraper un ballon qu'on m'envoie. Mais il y a du progrès. Ce qui est étonnant, c'est que je pensais jusque là que c'était une question purement neurologique. Or, ce qui m'amène à remettre cela en question, du moins dans mon cas, c'est que je peux quand même arriver à maîtriser certaines choses dans certains contextes. Il me semble que souvent c'est par manque d'attention, car je suis davantage dans mes pensées que dans mon corps. Le fait est que je suis très habile quand je fais la cuisine, parce que je me fais plaisir dans cette activité et que je suis très attentif à ce que je fais. Mais en général, dans un environnement spatiale plus commun, j'ai davantage tendance à m'enfermer dans mes pensées et donc à être moins attentif à ce qui m'entoure et par conséquent à avoir moins de réflexes.
En poussant plus loin cette réflexion, j'en suis venu à penser que peut-être, du fait que je suis plus calme parce que j'ai organisé ma vie pour éviter d'être trop souvent confronté à la fatigue et au stress, je peux peut-être réattribuer mon énergie à certains domaines. Par exemple, rencontrer des gens, changer momentanément d'environnement (il y a eu des périodes où j'ai réussi à voyager tous les mois en dormant chez des amis) est devenu possible et même facile, car je suis à ma place et je ne gaspille plus mes ressources mentales à me demander quelle place prendre dans la société.
En étant en général moins stressé, il est normal que je sois aussi moins maladroit. Je gère mieux les relations sociales aussi parce que je les limite dans le temps, que je sais me replier sur moi-même le temps nécessaire pour récupérer, que je ne travaille plus tous les jours dans un milieu professionnel qui ne me convient pas. Quand mon séjour chez des amis devient trop long et commence à me fatiguer, je me rappelle que bientôt je rentrerai chez moi, que je retrouverai ma nourriture préférée, mon lit, mon silence. Je me projette mentalement chez moi et cela me donne la force de supporter les quelques jours qui restent avant mon départ. Et puis je me rappelle que le temps passé hors de chez moi doit être employé pour le mieux, je veux le faire fructifier, que ça serve à quelque chose, car chez moi, je serai davantage limité, alors quitte à être là, autant en profiter au maximum !
Dans les relations sociales aussi, je découvre ma capacité, certes assez faible il me semble, mais qui a le mérite d'exister, à pouvoir agir en réponse à une intuition, à me laisser porter, à me laisser vivre la relation à l'autre, sans tout vouloir contrôler, sans tout vouloir comprendre (du moins pas tout de suite), pour simplement expérimenter l'instant présent, comme font la plupart des gens. Ce n'est pas habituel pour moi, mais c'est agréable de vivre un peu de l'expérience de vie des gens « normaux ».
Il me semble important de bien se connaître, pour savoir ce que l'on peut faire ou pas, car en soi, on peut presque tout faire car on est tous capable de dépassement, mais pas longtemps et pas dans tous les domaines en même temps. Il faut connaître ses ressources intérieures et les gérer pour le mieux afin de trouver un équilibre qui rende heureux dans des activités quotidiennes qui nous conviennent, même si ça ne convient pas aux autres.
Il faut peut-être revoir notre conception du monde, se demander ce qui est vraiment utile pour nous, ou pas, arrêter de se calquer sur un modèle sociale commun pour adopter un modèle social spécifique et personnel. Quand on a supprimé tout le superflue de notre vie, il nous reste les obligations. Mon « truc » est de savoir trouver, dans ce qu'il m'est imposé de faire, des aspects positifs et amusants. Par exemple, faire mes comptes demande une certaine logique, de l'analyse, de la concentration, afin de bien gérer mon budget. Recevoir les amis de mes enfants à la maison ne relève pas de ma responsabilité mais de la leur, donc je m'en décharge et ça me pèse moins.

Donc il y a trois aspects :
1 : réduire mes activités à ce dont j'ai vraiment besoin
2 : trouver un aspect attrayant à une chose ennuyeuse
3 : me décharger de mes responsabilités dans la mesure du possible.

Il faut aussi remarquer que lorsque je suis stressé (surtout par une rencontre peu habituelle), je me mets à faire du flapping, je deviens plus maladroit. C'est le manque d'assurance qui génère chez moi ces particularités comportementales. Quand j'ai pu expérimenter que je sais faire, que je peux faire, alors naturellement je suis plus tranquille et moins maladroit, en acte et en parole aussi.

Mais passer inaperçu socialement est « facile » seulement durant un temps. J'ai eu l'occasion de faire un bilan médical qui a duré trois heures. Les deux premières heures j'assurais, j'avais l'esprit tranquille et j'imagine que je devais avoir l'air comme tout le monde, mais après deux heures, je commençais à parler en regardant ailleurs, sur un ton monocorde, en me balançant, car je n'arrivais plus à maintenir les apparences. Il ne faut pas se leurrer, ce n'est pas un acquis. « Chassez le naturel, il revient au galop ».

Première expérience de Biodanza

Il y a presque deux ans maintenant, j'ai participer à une soirée Biodanza, organisée par une amie qui m'y avait invité. Ne maîtrisant pas le sujet, je cite ici Wikipedia pour donner une définition de la Biodanza :

« La Biodanza se pratique en groupe lors de séances hebdomadaires conduites par des professeurs nommés facilitateurs et lors de stages d'approfondissement. Une séance hebdomadaire dure environ 1h30, et consiste en une "Vivencia", c'est-à-dire un ensemble cohérent d'exercices préparé à l'avance par le facilitateur. Les exercices se pratiquent individuellement, à deux, en petits groupes, ou le groupe complet. Chaque exercice est effectué sur une musique spécifique, choisie par le facilitateur. Souvent, le premier exercice est une simple ronde : les participants se prennent par la main et se mettent en mouvement sur le thème musical proposé. Plusieurs centaines d'exercices ont été créés par Rolando Toro, le fondateur de la méthode. Excepté un partage en début de séance, celle-ci se déroule sans que les participants échangent verbalement. En début de chaque exercice, le facilitateur donne une consigne, et peut éventuellement en faire une démonstration. Souvent, les exercices comportent une part importante de mouvements d'expression libre. Le regard, ainsi que, parfois, le contact, peuvent être mis à contribution. »

Donc, échange non-verbaux, regards, contacts physiques, activité de groupe, autant dire que c'est totalement suicidaire pour un autiste comme moi ! Le premier contact a été difficile, même si les gens étaient profondément accueillants et bienveillants. Cela aurait été plus facile pour moi de commencer par la fin, par quelque chose de calme, d'intérieur, qui s'ouvre doucement sur l'expression corporelle. Si la plupart des gens semblent avoir du mal à s'intérioriser, les autistes eux, ont du mal à s'extérioriser.

Je suis très sensible à la musique. Elle me permet de comprendre des choses difficiles en les abordant par les émotions suscitées par les sons et le rythme, jusqu'à entrer dans un état de profonde concentration intérieure, une sorte d'état d'auto-hypnose. Cet état ne se maintient que si je suis coupé de mon corps, mais si je bouge, ou si j'ai une tension musculaire trop importante, je me reconnecte à mon corps et je perds cet état de profonde concentration, cette connexion à moi-même. Donc danser en étant en même temps connecté à la musique m'est impossible, à moins d'y travailler pendant des années peut-être (ce qui n'est pas le cas de tous les autistes, j'en connais plusieurs qui savent et aiment danser).

Je me suis senti fortement en décalage avec les autres. Cette rencontre a accentué mes difficultés dans la relation aux autres, en les mettant en lumière, par contraste. C'était davantage visible à mes yeux pour en prendre conscience. J'ai senti les limites de mes capacités sociales et physiques. La frustration de ne pas pouvoir répondre aux invitations chaleureuses des autres est difficile à gérer. J'aimerai répondre à l'intensité d'un regard, d'un sourire, mais je ne sais pas comment et de voir que je n'arrive pas à danser devant l'autre qui danse est très très gênant. Je sens bien que je suis raide. J'écoute la musique mais rien ne vient, c'est comme de vouloir écrire et de se retrouver devant une page blanche, sans inspiration. Le mouvement de la danse est très énigmatique pour moi car ce sont des mouvements complexes mais spontanés. C'est beau à voir, c'est très fluide et ça dégage beaucoup d'énergie, mais c'est impossible de faire de même, ce n'est clairement pas mon mode d'expression. Je m'en doutais, car lorsque je vois des gens danser je suis médusé, je les observe en tentant de comprendre, sans y parvenir.
Le contact physique ne m'a pas trop gêné, car je l'avais prévu plusieurs jours à l'avance, je le voyais venir sur le moment et j'avais le temps de m'y préparer, surtout que c'était un contact bienveillant et doux, respectueux. Donc ça s'est bien passé, alors que d'habitude je n'aime pas qu'on me touche surtout si je suis surpris. La sensation du touché demeure plusieurs seconde après que la personne ait retiré sa main par exemple, ce qui me dérange beaucoup, mais là, ça allait.

Dans les danses où il fallait garder le contact avec une partie du corps de l'autre, en gardant le contact d'index à index par exemple, il était difficile de maintenir ce contact. C'est de la « motricité fine » (comme écrire par exemple), ça me mobilisait tellement de ressources que je n'en avais plus à consacrer au reste (connexion à soi et à l'autre, se laisser porter par la musique, etc.)
J'ai eu l'impression de vivre une expérience au milieu d'une joyeuse bande d'extraterrestres !

Honnêtement, en ce qui concerne, je ne le referai plus, sauf peut-être pour pouvoir décrire à nouveau mon expérience. Mais je ne compte pas m'améliorer dans ce domaine par ce moyen (ni probablement par aucun autre, car je suis bien comme je suis).

Emporté par les flots

Janvier 2019 Il y a quelques temps j'ai commencé à prendre des anti-dépresseurs. Je m'y étais toujours refusé car je me disais qu'on pouvait facilement devenir dépendant et ne tenir que par les médicaments.
Je me suis toujours dit que si quelque chose dans notre vie nous rend malheureux il faut s'en débarrasser. Par exemple quand on a un travail qui nous rend malade il vaut mieux le quitter pour un autre, même si on est moins payé, ou bien se mettre en longue maladie, mais supporter l'insupportable grâce à des médicaments, c'est une société à la "1984" qui n'a rien d'enviable.

Mais le problème c'est de savoir quoi faire quand ce qui est insupportable, c'est le quotidien avec les proches, les enfants, la compagne, les parents et les obligations morales qu'on a envers eux. Je ne dis pas que c'est l'entourage qui est toxique, dans mon cas c'est tout l'inverse, mais plutôt mon sens inné des responsabilités qui me pousse à être toujours au taquet et à avoir un rythme de vie ne m'offre presque pas de repos, ou du moins pas autant que j'en aurais besoin en tant qu'autiste.

Je me suis senti emporté par les flots, sans rien pouvoir contrôler, juste à passer mon temps à faire ce que je devais en tant que père, en tant que conjoint, en tant que responsable associatif.

Les jeux vidéos ont pris de plus en plus de place, monde imaginaire où j'allais me réfugier pour m'éloigner et oublier ma triste réalité, monotone. C'est la réalité d'aujourd'hui. Pour se chauffer, autrefois il fallait aller chercher du bois. C'était contraignant, probablement assez pénible ou dangereux, mais cela offrait un contact avec la nature et le fait de prendre des risques n'était peut-être pas dénué d'intérêt en fin de compte, mais j'y reviendrai dans un autre article. Aujourd'hui pour se chauffer, il faut payer une facture d'EDF à 300 euros, quand on n'en reçoit que 800 chaque mois. Cette vie est devenue insensé et déshumanisée, dénaturalisée et malsaine et le confort nous a peut-être corrompu au point de ne pas facilement pouvoir faire machine arrière, car concrètement, rien ne m'empêche de vivre en autarcie comme le font certains.

Après avoir arrêté d'écrire, après avoir pris mes distances par rapport à mon association et sur les réseaux sociaux, je me suis senti totalement décalé par rapport à la réalité générale. La seule chose qui comptait c'était de prendre soin de ma famille, ce qui est très louable en soi (et personne ne me l'a reproché), mais cela m'a toujours semblé un peu égoïste car il me semble que je dois être utile à la société, pas seulement à ma famille.
Je devenais de plus en plus colérique, nerveux, déprimé, insupportable pour les autres, alors j'ai décidé de prendre des anti-dépresseurs.

Bref, ma fille vit avec moi, j'ai une compagne que je vois chaque jour et je suis partagé entre le plaisir que j'ai de passer du temps avec elles et ce que ça me coûte. Le problème ce n'est pas les autres, c'est ma façon d'aborder les choses.

Les médicaments aujourd'hui me semblent avoir étouffé mes sentiments. Ainsi, plus de colère, plus de rage, plus d'emportement, mais juste un calme plat, qui n'est même pas un sentiment de sérénité, car je n'ai plus vraiment de sentiments et le peu que j'ai encore sont très amoindris. Mes plaisirs aussi sont atténués, du coup je n'ai plus envie de faire grand chose et je tombe dans une certaine léthargie.

J'ai toujours rêvé d'augmenter à fond ce côté "asperger robot" qui est en moi, mais maintenant que je vais les choses de façon raisonnable, sans rien ressentir, je me dis que c'est une vie qui est loin d'être idéale.
Je reviendrais sur cet article prochainement pour suivre l'évolution de mon état sous médicaments.

Je suis comme un voilier

Mes idées sont comme un vent fort qui souffle dans ma tête. Je ne devrais pas, tant que possible, aller à contre-sens. Il faut que je profite de ce vent pour avancer. Plus tard, c'est trop tard. Mais les obligations quotidiennes me forcent parfois à faire route en vent-contraire. Il faut attraper le vent. C'est parfois un peu contraignant car je ne peux pas faire ce que j'ai envie de faire et que je ressens comme étant un devoir. Si mon esprit est obnubilé par un sujet à un moment de la journée, il faut que je travaille dessus, car c'est dans ces conditions que j'avance le mieux. Là, par exemple, je me sens inspiré pour écrire. Après, il sera trop tard. Mais je devrais m'occuper de tout autre chose pourtant ! et ces autres choses, plus techniques, plus terre à terre, plus matérielles, ne m'inspirent pas et quand je ne suis pas inspiré je n'avance pas. Le vent souffle fort, et peut changer de direction subitement. J'ai l'impression d'être un voilier.

Je me rends compte que je suis horriblement lent et que je me laisse vite déborder. C'est frustrant et je me sens un peu honteux. J'ai l'impression que tout le monde fait beaucoup plus et beaucoup mieux que moi. Si j'ai envie de lire un livre, mais que je me force à en lire un autre parce que je dois l'avancer, je risque de ne pas être concentré du tout et de ne rien en tirer, car mon esprit n'est pas bien disposé pour étudier ce sujet. En fait mon esprit me semble indomptable, je ne peux faire que ce qu'il me commande, comme si j'étais possédé à certains moments par une force surhumaine qui me commande de chercher, de comprendre, d'analyser, de savoir et qui ne me laisse pas tranquille tant que je ne suis pas parvenu à cette fin. C'est une véritable obsession.

Quand j'ai des choses à faire pour mon association, ce que je considère comme mon travail dans la vie, j'ai l'impression de ne pas avancer, car j'ai une vision confuse de ce qu'il me reste à faire, surtout et avant tout quand il s'agit de choses demandées par d'autres personnes. Lorsque la tâche est accomplie, je n'y pense plus, donc j'ai l'impression désagréable de n'avoir rien fait. Parce que je n'ai pas choisi de faire une chose, je n'arrive pas à l'incorporer dans ma conscience du plan d'action à suivre tel que je l'ai déterminé. Tout ça pour dire que parfois on peut avoir l'impression de ne pas avancer et de ne rien faire, alors qu'il n'en n'est rien, mais c'est difficile d'en avoir conscience, surtout pour les éternels insatisfaits que nous sommes !

Autiste, mêle toi de tes affaires !

Il y aura toujours des gens qui ne te comprendront pas, c'est normal, c'est parce que leur organisation mentale est différente de la tienne, et c'est pour la même raison que tu ne les comprends pas.

Il y aura toujours des psychiatres qui seront négligents avec leur travail et qui n'auront pas envie de se tenir informés pour rester compétents.

Il y aura toujours des proches qui seront eux-mêmes en quelque sorte autistes envers toi, enfermés dans leur monde plein d'a priori, de connaissances médicales niveau doctissimo, et qui pensent que tout fonctionne à coup de pied au fesses, parce qu'eux même ne sont que du bétail habitué à ne pas s'écouter afin de pouvoir obéir aux ordres d'un autre.

Si donc tu passes... ou plutôt tu perds, tout ton temps à essayer de convaincre ces gens de ce qu'est vraiment l'autisme alors que tout laisse croire qu'ils n'en n'ont rien à faire, alors tu ne t'occupes pas de toi, comme tu as fait toute ta vie en essayant d'être comme eux pour ne pas les perturber.

As-tu vraiment envie, après avoir passé la moitié de ta vie à essayer de leur plaire, de passer l'autre moitié à les convaincre de quelque chose que tu ne pourras pas leur montrer et qui restera théorique, parce que tu n'auras jamais pris le temps de le vivre ?

Je peux comprendre cette démarche quand on vient de comprendre qu'on est autiste, ou quand on vient d'avoir un diagnostic, car le besoin de justice nous amène à vouloir prouver qu'on ne se trompait pas, alors que tout le monde nous accusait de paresse ou d'imposture, mais il ne faut pas trop longtemps s'installer dans cette démarche qui ne mène nulle part.

Être autiste, c'est une façon d'être, ça se vit,
Tu as une vie à te réapproprier, tu as un monde à conquérir, as-tu vraiment besoin de chercher auprès des autres un assentiments qu'ils ne te donneront jamais ? Parce qu'ils attendent que tu fasses tes preuves en t'en emparant !

Vis ta vie et ne te préoccupes pas des autres, c'est le seul moyen de leur prouver que tu as raison.
"Rien de ce qui résulte du progrès humain ne s'obtient avec l'assentiment de tous, et ceux qui aperçoivent la lumière avant les autres sont condamnés à la poursuivre en dépit des autres." (Christophe Colomb)

Pourquoi les autistes ont besoin d'identité

Les gens qui posent cette question, pour la plupart, ne doivent pas avoir beaucoup eu le sentiment d'être différent dès l'enfance, d'avoir vécu hors du groupe. Lorsque les gens grandissent en cohésion, plus ou moins forte, plus ou moins parfaite, avec leur groupe, leur démarche, en se développant, sera davantage de s'extraire du groupe, de sortir du lot, de se démarquer. D'où ce conseil souvent donné aux autistes par eux : "on est tous différent, on est tous unique, pourquoi vouloir s'identifier à un groupe ? Moi, je suis simplement moi !".

Pour un autiste au contraire, qui depuis la maternelle à peu près, n'a pas su trouver sa place au sein du groupe, parce que le groupe lui a bien fait sentir qu'il était différent, et lui même a bien senti qu'il était mal à l'aise avec les autres, la question de l'identification au groupe prend toute son importance.
On retrouve exactement le même problème dans le cadre du manque de gestion de l'immigration. Des enfants, issus de familles étrangères, mais nés en France, ne sont pas complètement reconnus comme français, mais lorsqu'ils vont visiter le pays d'origine de leurs parents, ils sont considérés comme français. En fait, ils ne sont tout simplement plus rien aux yeux des autres, ils n'ont plus leur place dans le monde, ils restent des étrangers partout sur Terre, même si pratiquement, ils forment une entité à part, un groupe à part, pour ainsi dire une nouvelle communauté.

C'est ce que j'ai vécu aussi : le groupe me fait bien sentir qu'il y a quelque chose qui cloche, que je ne suis pas comme eux, que je n'appartiens pas à leur société, mais lorsque je me suis adressé aux psychiatres et psychologues, on ma toujours dit "tout va très bien, vous vous posez trop de questions sur votre santé mentale". L'autiste donne un peu l'impression de flotter dans l'espace, relié à rien, perdu dans le vide, alors que tous les autres rêvent d'aller dans l'espace, déplorant d'avoir toujours les deux pieds enracinés dans le sol. Nier ce besoin fondamental d'appartenance, c'est renier la personne elle-même, nier ses droits fondamentaux, le droit fondamental d'avoir des repères sociaux.

Et vous, qui dites-vous que vous êtes ?


Autiste, pour moi, aujourd'hui, ne nécessite plus vraiment un débat, et je me demande même s'il faut vraiment en faire un combat, dans le sens où c'est une histoire personnelle, et non pas publique, et qu'il faut que les autistes se réapproprient leur façon d'être. Ça n'empêche pas qu'il faut les aider à s'assumer pour qu'ils ne souffrent plus (et les autistes entre eux sont les mieux placés pour apporter cette aide), en les aidant à se connaître, à se comprendre eux-mêmes et à s'accepter, et même mieux encore, à s'apprécier comme ils sont. On a tord de penser que c'est un problème de société. La façon de faire de la société n'arrange rien, bien évidemment, mais elle n'est pas responsable de tout. Je suis persuadé que les autistes ont tout ce qu'il faut entre les mains pour pouvoir trouver leur place dans la société, à leur manière. Mais comment être aimé, quand on ne s'aime pas soi-même ? Comment être apprécié si on ne s'assume pas ? Comment être compris, si on ne se comprend pas ? Une fois que le travail de compréhension a été fait, il n'y a plus grand chose à dire. Le temps où je me présentais comme autiste est révolu. Aujourd'hui je suis moi. Autiste, bien sûr, c'est évident, mais c'est moi avant tout.

Je comprends un peu mieux les gens qui me disaient qu'il ne voulaient pas que je m'enferme dans une étiquette. Ce qu'ils n'ont pas compris, c'est que pendant un temps, j'en ai eu besoin, pour trouver mes repères, pour me définir, pour savoir qui j'étais. Car quand on fonctionne autant à contre courant, ça n'est pas évident de pouvoir se deviner. Je garde quand même cette étiquette comme un joker à sortir en cas de situation difficile. Si on ne me comprends pas, ou si je réagis mal à quelque chose, je peux expliquer que je suis autiste et en quoi cela consiste, ça m'évitera d'être harcelé. Mais j'aime aussi les défis et je ne veux pas en rester là. Ce n'est pas pour autant que je vais à nouveau tenter de vivre des choses pour lesquelles je ne suis pas fait (avoir un emploi salarié par exemple, ou avoir des amis dans le sens commun du terme), mais j'apprécie, dans une certaine mesure, d'être provoqué, d'être attiré sur un terrain que je ne maîtrise pas, d'être ébranlé momentanément dans mon fonctionnement, histoire de voir le monde un peu autrement, juste pour un temps, comme de petites escapades hors de mon monde intérieur si riche. Il faut toutefois remarqué ici que tous les autistes ne sont pas prêts à sortir de leur zone de confort et que certains auront un besoin vital immense de toujours faire les choses de la même manière, sans prendre de risque, sans s'ouvrir à des choses différentes.

J'ai découvert aussi que j'avais des gens formidables autour de moi, qui sont capables de tout entendre sans me juger, et qui m'apprécient vraiment pour mon originalité. Ceux qui n'ont pas pu entendre se sont écarté d'eux-mêmes, et ce n'est peut-être pas plus mal. Il fallait pour cela que je cesse de me cacher et que je me dévoile comme je suis.

Le plus grand ennemi des autistes, c'est leur peur d'être eux-mêmes, qui les empêche d'accepter le fait qu'ils sont hors du commun, et personne ne peux changer ça à part eux-mêmes. Une fois qu'on a fait le pas, qu'on a montré qu'on s'assume comme on est, beaucoup de choses rentrent dans l'ordre et on fini par être respecté.

Un jour viendra, j'espère, mais ça n'est pas pour demain, où on aura plus besoin de diagnostic, ni de reconnaissance de handicap (on a juste besoin d'une reconnaissance de différence, c'est tout), chacun sachant pour lui-même s'il est autiste ou pas, et comment orienter sa vie en fonction de ça.

Vouloir un diagnostic et une reconnaissance de handicap ne doit pas être une fin en soi (c'est juste pratique dans la société actuelle, mais ce n'est pas idéal), et il est d'ailleurs étonnant qu'on rappelle sans cesse qu'être autiste n'est pas une maladie, tout en envoyant systématiquement les gens se faire diagnostiquer par des psychiatres !

Je conseille souvent aux adultes qui se demandent s'ils sont autistes ou pas, de tenter le coup. Quel est le risque après tout ? Personne ne peut vivre comme un autiste sans l'être vraiment. Au moins, en essayant, on est fixé. Il n'y a de toute façon aucun "risque" de le devenir, car on l'est, ou on l'est pas. Soit c'est une façon d'être qui nous correspond, et en essayant, c'est libérateur, soit ça ne nous correspond pas et on s'en trouve très mal.

Et pour les proches des personnes qui s'interrogent : laissez-les vivre leur expérience. Si ça apporte quelque chose à quelqu'un de se dire "je suis autiste", alors c'est plutôt positif ! Et si vous, ça vous gène, parce que vous y perdez quelques chose (ce que je peux comprendre car la vie peut radicalement changer quand on se découvre autiste), alors dite le simplement, exprimez ce qui vous trouble. Si votre conjoint se renferme sur lui-même parce qu'il est obsédé par la question de l'autisme, dite lui qu'il vous manque, plutôt que de saper le travail de découverte qu'il est en train de faire sur lui-même en utilisant vos doutes comme moyen détourné de rétablir une situation qui vous convenait mieux avant. Et s'il se trompe, ça aura au moins permis d'éliminer une hypothèse, et donc de faire avancer les choses.

Alors ne vous demandez plus si vous êtes autiste ou pas. Vivez-le, et l'expérience vous le dira. Tergiverser en attendant un rendez-vous chez un psychiatre ne fera pas forcément avancer les choses, parce que même après, j'en connais certains qui ont encore des doutes, parce que "peut-être que le psy n'y connaît rien" et puis "sur tel détail ça ne me correspond pas", etc. N'attendez pas des autres qu'ils vous disent qui vous êtes. Vous seul le savez. "Autisme" n'est qu'un mot qui définit une façon d'être, qui explique des particularités sans avoir à en dresser laborieusement toute la liste (qui est très longue), c'est juste une facilité pour expliquer, pas une facilité pour le vivre. Et se présenter comme autiste diagnostiqué avec une reconnaissance de handicap, c'est encore une manière de s'excuser d'exister. Et il y a mille manières d'être autiste, puisque c'est un spectre autistique, donc vous trouverez toujours une différence avec un autre autiste qui pourra vous faire douter.

À tous les autistes non diagnostiqués

Je suis très touché par plusieurs témoignages sur les réseaux sociaux ou par mail, où on voit bien dans quels tourments se trouvent ceux qui n'ont pas la chance (parce qu'il s'agit vraiment de chance dans certains cas pour accéder à un professionnel compétent en matière d'autisme) d'avoir un diagnostic. Ce qui fait très peur aux autistes non-diagnostiqués, c'est le fait de ne pas être sûr, la peur de se faire des illusions, le sentiment de ne pas être légitime, de se tromper, de ne pas assez s'y connaître en psychologie pour être certain. Le manque de confiance en soi typique des autistes va jouer ici un rôle écrasant. Mais on n'est pas tous autiste de la même façon, il y a des nuances. Et puis, les autistes non-diagnostiqués, en écrivant, en se confiant, voient les autres, ceux qui sont diagnostiqués, valider ou pas ce qu'ils disent. C'est un début de communauté et c'est la communauté qui valide ou pas, implicitement, la qualité d'autiste chez une personne. Si on ne dit rien, c'est que tout va bien !

Il faut souvent du temps, parce qu'il ne suffit pas d'avoir souffert d'exclusion durant l'enfance pour dire "c'est un(e) autiste !" Mais si on s'intègre parmi les autistes, sans décrocher au bout de plusieurs mois, et qu'on évolue même, dans ce milieu atypique, en y prenant de plus en plus d'assurance, pour moi ça vaut un diagnostic officiel. J'ai connu l'errance diagnostique pendant plus de 20 ans. J'ai envisagé plusieurs pistes, jamais satisfaisantes à long terme. Depuis mon diagnostic d'autisme, ma quête a pris fin et ma vie a commencée. Si on se stabilise dans cette idée qu'on est autiste, si c'est apaisant, c'est plutôt un très bon signe ! Si on ne l'est pas, ou si on a un trouble associé, on aura besoin d'aller chercher encore ailleurs. Je sais que rares sont les autistes qui ont assez confiance en eux pour pouvoir se permettre de ne pas avoir besoin d'un diagnostic officiel. C'est une exigence intellectuelle assez typique des autistes, bien qu'elle ne soit pas systématique, c'est quand même très courant. Les autistes se reconnaissent souvent entre eux j'ai l'impression. Il y a une affinité, un courant qui passe, une facilité qu'il n'y a pas avec tout le monde. Je ne suis pas sûr que ce soit vrai dans 100% des cas, mais je l'ai souvent vu.

L'histoire du "vilain petit canard" est particulièrement parlante pour moi. J'ai voulu croire plus d'une fois que j'avais trouvé ma "communauté", les gens comme moi, mais sans jamais m'y intégrer vraiment. Et le jour où je rencontre les "cygnes", je ne voulais pas y croire.
La relecture de ce passage m'incite à le citer tellement il fait sens à mes yeux et me rappelle des souvenirs :
"Et voilà que, devant lui, sortant des fourrés trois superbes cygnes blancs s'avançaient. Il ébouriffaient leurs plumes et nageaient si légèrement, et il reconnaissait les beaux oiseaux blancs. Une étrange mélancolie s'empara de lui.
- Je vais voler jusqu'à eux et ils me battront à mort, moi si laid, d'avoir l'audace de les approcher ! Mais tant pis, plutôt mourir par eux que pincé par les canards, piqué par les poules ou par les coups de pied des filles de basse-cour !
Il s'élança dans l'eau et nagea vers ces cygnes pleins de noblesse. À son étonnement, ceux-ci, en le voyant, se dirigèrent vers lui.
- Tuez-moi, dit le pauvre caneton en inclinant la tête vers la surface des eaux.
Et il attendit la mort.
Mais alors, qu'est-ce qu'il vit, se reflétant sous lui, dans l'eau claire ? C'était sa propre image, non plus comme un vilain gros oiseau gris et lourdaud... il était devenu un cygne ! ! !
Car il n'y a aucune importance à être né parmi les canards si on a été couv
é dans un œuf de cygne !"
Un dernier petit message, pour les personnes qui viennent en aide aux autistes ("portent secours aux autistes" seraient même plus exact vu la situation) : quand on est autiste, on l'est aussi avant le diagnostic. Soyez prudents.

Une autre approche (explications sur le hibou-fusée)



Le dessin a été colorié dans le cadre d'un atelier au Centre de soin Chant'Ours à Briançon (05).
Il nous était proposé plusieurs mandalas à colorier, présentés dans un cahier. Les autres mandalas étant des formes géométriques qui ne représentaient rien pour moi, j'ai centré ma recherche sur la symétrie des formes, par goût personnel. Le dessin que j'ai choisi m'étant apparu comme correspondant à cette exigence, je l'ai choisi, sans y voir de forme particulière, même s'il était présenté à l'endroit.

Repérant dès le début des formes qui me semblaient être "interprétables", comme des feuilles et une fusée, j'ai choisi les couleurs en fonction du réalisme correspondant aux formes "réelles" (feuilles vertes, fusée rouge).
L'interprétation que j'ai donné à ce dessin était une fusée prête à décoller, au milieu d'une jungle. Cela représentait l'évolution humaine, de l'état d'animal à celui d'être intelligent, capable de se sortir lui-même de son milieu naturel.

Bien que j'aie de nombreuses fois tourné la feuille dans tous les sens, la concentration sur les détails était tellement importante que je n'ai pas vu le dessin dans sa globalité et que la forme initiale, à savoir un hibou, ne m'est apparu que lorsque l'animatrice a tourné la feuille à l'envers (en se demandant pourquoi j'avais écris les commentaires à l'envers). La forme de hibou m'est alors apparue clairement au dos de la feuille, par l'effet de transparence dû au feutre sur la feuille.

J'ai lutté longtemps contre les structures géométriques qui ne "collaient" pas avec le but que je m'étais fixé pour ce dessin, à savoir la fusée qui décolle, et j'ai vu ça comme le processus de la vie, où l'on a une vision à réaliser, sans cesse remise en cause par les événements qui nous sont extérieurs, me demandant même parfois si le dessin final ressemblerait encore à quelque chose.
Les choses auraient été plus simples, mais beaucoup moins intéressantes, si dès le début, j'avais compris ce qu'on attendait de moi pour ce dessin, à savoir un simple hibou.
Ma vie d'asperger a été semblable à ça, je ne comprenais pas trop ce que j'avais à faire dans ce monde, car je manquais de vision globale, et je me dispersais sans vision claire de ce que j'avais à faire, construisant de-ci de-là, des morceaux de ma vie, qui jusqu'alors ne semblaient pas avoir de sens cohérent entre eux. Je dessinais ma vie au jour le jour, vivant les expériences quotidiennes comme elles se présentaient à moi.