Durant cet hiver j'ai passé une période difficile, de fatigue, de découragement et de
confusion, où j'ai fini par lâcher prise pour comprendre que j'ai le droit
d'être vivant sans avoir un dû à payer à la société pour ça. Ce que l'on produit
pour la société est devenu absurde : sur-production, surconsommation, de ce dont personne n'a réellement besoin.
L'arbre est utile à l'écosystème parce
qu'il produit de l'oxygène, non pas parce que c'est sa volonté ou son envie ou
qu'il se sent obligé de le faire, mais parce que c'est dans sa nature.
On sait
depuis longtemps que l'être humain a un problème entre l'être et l'avoir, mais
je découvre qu'on a aussi un problème entre l'être et le faire. La valeur d'un
individu ne se mesure pas à sa capacité d'action, sinon beaucoup de
tétraplégiques n'auraient plus aucune valeur. Certains arbres doivent être plus
utiles à la vie que nous juste parce qu'ils se tiennent à leur juste place, tout
simplement.
Ce doit être le fait de vive à la montagne, un peu isolé du reste
du monde, qui me fait prendre conscience de cela. Quand on est face à la
montagne, les choses
prennent une toute autre dimension. J'ai l'impression que le mieux dans
la vie pour
être vraiment utile, c'est de comprendre cette vérité fondamentale,
qu'on ne
sert à rien. C'est sans doute pour cela que tant de gens doutes
d'eux-mêmes
alors qu'ils s'épuisent au travail, parce qu'ils cherchent leur valeur,
ou à prouver leur valeur, dans le "faire". Je ne dis pas qu'il ne faut
œuvrer à rien, je
dis juste qu'il faut peut-être faire autrement et que la réelle
motivation compte pour beaucoup.
Si on oublie de vivre, ça n'a plus aucun
sens de se battre. Durant une longue période, je n'ai pas su apprécier la
présence de mes enfants parce qu'ils me gênaient dans mon action associative.
Aujourd'hui je comprends que le plus important c'est le temps (et la qualité du
temps) de la rencontre avec l'autre, que ce soit mes enfants ou d'autres
personnes. Je ne me sens plus acteur de la vie, mais participant de quelque
chose de plus grand qui nous dépasse, quelque chose de fondamental.
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