vendredi 17 janvier 2020

En mode "frénésie guerrière"

C'est assez nouveau pour moi. Depuis plusieurs moi je suis très actif. Beaucoup plus dynamique, concentré, discipliné, rigoureux, j'arrive à prendre sur moi pour m'investir sur tous les fronts. Vie de couple, vie de famille, activités associatives, je m'occupe de ma maison, je fais des démarches avec ma compagne, je remplis des dossiers, je rencontre des gens, je participe à des réunions où j'apporte mon point de vue sur l'autisme.
Mon planning s'est bien rempli et j'ai un rythme de presque une ou deux tâches importantes par jour chaque semaine depuis plusieurs mois.

Au début j'ai senti que les choses s'emballaient et j'avais tendance à avoir un réflexe de repli, mais j'avais besoin de m'investir socialement après plusieurs mois de retrait intensif, alors je me suis laissé emporté par le courant. J'ai tout de même veillé à préserver chaque jour un temps dans ma bulle de mondes virtuelles à travers les jeux vidéos, certains jours jusqu'à me forcer à jouer même si je n'avais pas envie afin de maintenir l'équilibre, tant l'investissement extérieur me faisait plaisir tout en me fatiguant beaucoup.
En général je vais travailler à mes diverses tâches du matin jusqu'au milieu d'après-midi, ensuite je prends du temps pour moi, un peu plus enfermé dans ma bulle.

Après plusieurs mois de fonctionnement à plein régime, à force de sortir de ma bulle chaque jour et de voir du monde, ça me met sur les nerfs et j'utilise cette énergie en la canalisant pour me "propulser en avant" (ou au dehors), comme si je me nourrissais de ma propre souffrance, un peu comme quand on se bat et que la douleur ressentie par les coups reçus donne l'énergie nécessaire pour se défendre. Je veille quand même à ne pas dépasser mes limites en étant attentif aux signes d'un éventuel craquage et je me tiens à l'extrême limite.

À force, je suis plus combatif, je ne fais plus attention aux difficultés ressenties, comme par la chaleur durant la canicule, le bruit des travaux dans la rue, la fatigue. Je m'habitue à l'inconfort, aux tensions sociales, aux petites difficultés de la vie quotidienne et je remplis les objectifs que je m'étais fixés sans faiblir. Je cherche même une certaine austérité, je choisis les méthodes plutôt difficiles que faciles, dans un esprit sportif, ou guerrier, comme un soldat qui ne ressent plus les petites blessures dans la fureur du combat. Réussir à vaincre les situations autrefois impossibles à surmonter, arriver à trouver ma place dans la société, recevoir l'appréciation des gens qui m'entourent et avec qui je travaille, tout cela est bon pour mon estime de moi-même, ça renforce ma personnalité, qui se développe de plus en plus et j'ai toujours envie de davantage de petites victoires, de difficultés surmontées, de défis à relever. J'avoue que depuis deux semaines, où j'ai géré mon dossier MDPH, mon dossier d'aide sociale, l'achat d'une voiture, la carte grise, puis maintenant la vente de mon ancienne voiture et le dossier carte grise qui va avec, plus l'assurance et un changement de banque dans la foulée, sachant qu'après j'ai le dossier ITEP de mon fils à faire, je sens que je commence à saturer... mais je me gère en prenant plus de temps pour moi et en acceptant que tout ne soit pas fait de façon parfaite.

Je suis enragé, survolté, méchamment déterminé, j'ai régulièrement envie de taper les gens qui m'énervent par leur bêtise ou leur mollesse, mais je me tiens tranquille et je réserve l'expression de ma violence aux jeux vidéos.
Pour la vie sociale, la maîtrise de soi est de rigueur. La violence des autistes est quelque chose dont on parle peu. Quasiment jamais portée sur des personnes, mais plutôt sur des objets, être autiste c'est être constamment agressé par toute sorte de choses. Il y a un moment où l'on fini par exploser. On peut casser du matériel, hurler, se rouler par terre, mais on peut le plus souvent se renfermer sur soi, pratiquer des auto-mutilations ou entrer en conflit avec les gens jusqu'à la rupture de relation.

En fait, c'est comme le principe du moteur à explosion. Lors de l'accumulation de gaz dans un milieu clos, comme dans une maison, si le gaz est mis en contact avec une étincelle, il s'ensuivra une violente explosion. Mais si on injecte un gaz dans un cylindre de moteur de voiture, et qu'on le met en contact avec une étincelle, l'explosion ainsi provoquée va créer une force de propulsion. De la même façon, il me semble que toutes les petites agressions de ma vie quotidienne sont compartimentées et "allumées" au fur et à mesure de leur apparition. Avant j'avais tendance à beaucoup prendre sur moi, à accumuler jusqu'à ce que j'explose pour une broutille, une goutte d'eau qui faisait déborder le vase. Personne ne comprenait pourquoi j'explosais de colère à ce moment précis car la situation ne semblait pas dramatique. Aujourd'hui, cette façon de gérer en multiples micro colères quotidiennes me permet d'avancer dans la vie et d'avoir une vie un peu plus comme tout le monde.

Seul bémol, mon état permanent d'excitation peut parfois être un peu difficile à supporter pour des gens qui ont davantage besoin de repos ou de repli autistique. Je dois certes être un peu névrosé, "masochiste", mais qu'importe, ça fonctionne, je suis heureux, épanoui et j'arrive à trouver mon utilité dans la société et pour moi c'est important.

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