lundi 13 juillet 2020

Surdose d'informations

Franchement quand je vois la tonne d'informations que la société nous demande de traiter chaque jour, ça me donne envie de ne lire que du FALC (Facile À Lire et à Comprendre) !

Heureusement depuis quelques années j'ai arrêté de lire les plaques d'immatriculation et les pubs, c'est déjà ça en moins...

J'ai tendance à lire mot à mot et à tout lire pour ne rien louper, sans savoir chercher l'info ou lire en diagonal, donc ça tourne vite au cauchemar avec moi.

C'est pour ça que j'ai besoin de m'enfermer dans les jeux vidéo, car même si les informations à traiter sont nombreuses, une fois qu'on maîtrise, ces informations reviennent de façon récurrente et il n'y a pas grand chose de nouveau, contrairement à la réalité. C'est très rassurant et reposant !

J'ai du mal à accepter de prendre le risque de rater des informations dans un rapport de 400 pages. Manque de confiance en soit probablement ? Pour mon travail associatif il m'arrive d'être un peu obligé de mettre le nez dans certains rapports. Les avoir en format PDF et faire une recherche par mot clé m'aide beaucoup, mais j'ai toujours l'impression de passer à côté de quelque chose d'important.

De plus, quand je lis mot à mot, je m'imprègne du sens et j'intègre les données "en temps réel", donc je lis très lentement et il est très rare que je finisse un livre. Quand j'en fini un c'est seulement au bout d'un an minimum, pour ceux que je lis le plus rapidement.

En ce moment je préfère nettement les formats vidéo (Youtube particulièrement) car les infos y sont plus concises. Les échanges directs, par mail (format court) ou messagerie instantanée, ou une rencontre (visio ou face à face) sont privilégiés aussi.

Quand j'étais jeune je lisais beaucoup plus, mais je n'avais pas autant de responsabilité et je sens qu'avec l'âge, je commence à me fatiguer plus vite.

Notre société ne sait pas gérer l'information, même si nos moyens de communication nous permettent d'échanger plus, et plus vite, sur de plus longues distances, nous n'avons pas encore la maturité de savoir gérer ces échanges. Nous sommes donc tombés très vite dans une surdose d'informations. À vouloir tout savoir, tout comprendre et donner un avis sur tout, on fini par perdre le sens et l'intérêt de l'information. Je ne dirais pas que toute vérité n'est pas bonne à dire, mais les 3/4 des informations accumulées chaque années ne servent à rien et nous pourrions vivre mieux avec beaucoup moins. Au final je me dis qu'une information qui n'est pas utile concrètement ne sert tout simplement à rien et est juste encombrante.




vendredi 17 janvier 2020

Expert autisme

Le terme "expert" dans le domaine de l'autisme m'a toujours un peu gêné quand il s'applique à des autistes militants. Je me suis toujours dit qu'un expert était une personne qui avait fait de longues études et qui était reconnue par d'autres professionnels.

Mais aujourd'hui, ce terme me semble tout à fait adéquat, surtout en prenant conscience que le mot expert vient de "expérience". De fait, ne peut être considéré comme expert en autisme qu'une personne étant elle-même autiste. Un professionnel du médico-social sera expert dans l'approche scientifique, ou dans l'aide apportée aux autistes, mais aucunement dans le fait d'être autiste. Nous n'avons donc aucun complexe à avoir à être appelé "expert en autisme", qui n'est pas un titre ronflant mais une définition étymologiquement exacte de notre qualité. Il est important que nous soyons reconnus, notre expertise étant essentielle à l'établissement des politiques publiques en faveur des autistes pour sortir de la situation dramatique dans laquelle nous stagnons depuis des décennies, le seul regard des professionnels ou des parents n'étant pas suffisant.

Qui en effet peut rivaliser avec un autiste diagnostiqué à l'age adulte qui est autiste 24h/24, 7j/7, qui pense en autiste, qui mange en autiste, qui dort en autiste, qui travaille en autiste, quand on voit des professionnels refuser de participer à des travaux communs car ils ne seront pas rémunérés ou qu'ils sont en congés ce jour là ! Nous, autistes et familles d'autistes, nous n'avons pas de répit face à nos difficultés !

Pour être un expert en autisme, il faut, à mon sens, être diagnostiqué depuis au moins 5 ans, avoir participé à des actions communes pour l'autisme avec d'autres autistes et être reconnu comme fiable par ses pairs. C'est du moins ce qui me semble être idéal. Devenir un expert en autisme nécessite d'avoir mené une longue introspection pour comprendre en profondeur son mode de fonctionnement pour pouvoir le décrire de façon abordable par d'autres qui ne partagent pas notre condition. Les connaissances scientifiques peuvent être un plus dans les milieux médicaux, de la recherche, etc., mais je trouve préférable de rester à un niveau d'expression qui reste abordable par tous, scientifique ou pas.

L'expertise expérientielle, comme on l'appelle communément, est à la portée de toute personne autiste qui souhaite s'investir pour les autres, qui a su dépasser et gérer son handicap et qui a envie et est capable de s'investir un minimum socialement.

L'estime de soi

À mes yeux, le manque d'estime de soi est la base de la majorité des problèmes de l'humanité. Le manque d'estime de soi naît en partie parce que les gens ne nous connaissent pas, donc ne nous font pas confiance, donc on en vient irrémédiablement à manquer d'expériences positives et donc à manquer d'estime de soi parce qu'on n'a pas pu faire nos preuves.
Quelle confiance peut-on avoir en un enfant ? On ne lui confie pas grand chose, parce qu'on a peur qu'il ne fasse pas les choses correctement. Tout le monde n'agit pas comme ça heureusement, mais rare sont les bons pédagogues et c'est une tâche difficile quand on est parent que d'accepter que son enfant ait grandi.

Ensuite l'adolescent ou le jeune adulte prend l'habitude de se limiter lui-même par ce jugement permanent sur lui (que le jugement soit explicite ou implicite) et il ne trouve plus l'audace de tenter quelque chose à SA manière. C'est comme ça que la population est toujours infantilisée, car même si nous sommes adultes, on nous traite toujours comme des enfants. Et puis c'est tellement gratifiant pour ceux qui ont l'autorité de maintenir cet état des choses afin de conserver leur position, puisque eux-mêmes ont aussi des problèmes d'ego.

Alors on cherche des gens qui sont déjà "en place", qui ont une forte personnalité, qui savent s'imposer et on cherche à leur plaire (j'ai passé une bonne partie de ma vie comme ça !). On surestime les gens qu'on admire, dans un état d'esprit manichéen, où les autres sont forcément parfaits puisqu'ils paraissent plus "grands" que nous et qu'ils font des choses qui nous dépassent. Et puis vient le jour où cette personne nous déçoit ou nous trahit, et là c'est la chute, parce qu'on a collé notre ego à cette personne.
Nous cherchons à les imiter, comme si c'était possible en quelques jours, alors que ces choses qu'ils font, qui nous paraissent si extraordinaires, ils ont mis des années à y parvenir ! Leurs enjeux n'étaient pas les nôtres, ni leur contexte, ni leurs relations. Alors on y arrive pas et on se décourage, parce qu'on a voulu faire comme les autres, au lieu de faire ce qu'on avait à faire, petit à petit, étape après étape. C'est assez paradoxale de voir que pour nous, autistes, si souvent autocentrés, nous manquons tellement de repères personnels et nous cherchons à plaire à des maîtres qui ne nous méritent pas.

On peut s'inspirer des autres, mais jamais les imiter. La société n'a pas besoin de clones mais d'originalité, d'audace, d'authenticité.
Il faut briser les mythes et l'admiration que nous avons de certaines personnes, car nous sommes tous égaux. Certains mettent plus de temps à faire certaines choses, ou bien nous ne sommes pas appelés à faire les mêmes choses (beaucoup de mes collègues font des conférences, mais moi je m'y refuse... pour l'instant).

Il faut avant tout chercher à se plaire à soi-même et savoir qu'on est aussi des gros cons de temps à autres, et qu'il faudra l'assumer pour vivre mieux.
Nous sommes nos propres maîtres, nos propres parents. C'est ça être adulte : pouvoir s'enfanter soi-même.

La découverte du bienfait des bijoux

Jusqu'à présent je n'ai jamais été très bijoux, j'avais même tendance à trouver ça vulgaire. C'est vrai que je trouve l'abondance de bijoux en or très vulgaire. Mais je me suis rendu compte que les bijoux en acier me correspondent bien !

Pendant longtemps, j'ai toutefois porté un unique pendentif, qui pouvait être différent selon les années, et toujours avec un sens symbolique fort.
Ma compagne étant, elle, particulièrement intéressée par l'expression corporelle à travers les bijoux, tatouages et vêtements, je m'y suis ouvert et je me suis rendu compte que cette forme d'expression me convient bien plus que je ne le pensais. Peut-être le fait que j'y attache une valeur symbolique était-il fondamental en fin de compte, car aujourd'hui je suis sensible à cette question.

Il y a deux aspects intéressants selon moi. D'une part il s'agit d'un langage non-verbal, qui me semble plus abordable à maîtriser que ce que je présumais par rapport à d'autres formes d'expression non-verbale. Choisir ses bijoux ou ses vêtements, jouer avec les formes et les couleurs, est épanouissant pour déclarer ou proclamer sa place dans la société, dire qui l'on est tout en restant assez indépendant des styles connus (on peut mélanger les genres, faire ce qu'on veut, on s'en fout de ce que les gens pensent !). Les objets que je choisis viennent des milieux metal, punk, biker et parfois gothique. Ensuite je crée un look avec lequel je me sens en phase.
Subjectivement, j'ai l'impression d'être très excentrique, mais lorsque je me regarde dans un miroir et que je cherche à avoir un point de vue plus objectif, je me rends compte que par rapport à d'autres personnes, ce que je porte se remarque, mais sans plus.

Le deuxième aspect intéressant au port de bijoux c'est que lorsqu'on bouge, qu'on marche dans la rue, on sent les bijoux qui bougent aussi, on sent leur poids et donc on sent son corps, sa présence, ses limites. C'est un aspect des bijoux que j'aime beaucoup en ce moment, car je me sens davantage présent à mon corps, à mon ressenti corporel, je me sens ancré dans le monde. C'est aussi, selon moi, pourquoi beaucoup d'autistes n'aiment pas porter des bijoux, car les sensations peuvent ramener au physique et faire perdre le fil des pensées ou perdre la focalisation autistique sur les intérêts particuliers. C'est un peu comme une distraction qui éloigne de la pensée. Mais si la symbolique est forte, elle me permet de me ramener à moi-même ici et maintenant, dans le monde concret.

Choisir son bijoux peut prendre du temps car il y en a vraiment un grand nombre. Ensuite il y a l'endroit du corps où on va le mettre. Les combinaisons bijoux, couleur, position, sont très complexes et nous ramène à notre inconscient, car il faut sentir les choses, il ne s'agit pas que d'appliquer aveuglément des codes tout prêt.

En dernier lieu, c'est aussi du renforcement positif. J'ose m'exprimer, j'ose être qui je suis, j'ose me montrer, je m'impose et je me moque de ce que les gens pensent d'un métaleux punk de 43 ans.

Il y a un an je m'étais acheté un costume et lorsque je montais à Paris je le portais. C'était assez amusant de suivre la mode vestimentaire parisienne, le style à Embrun étant beaucoup plus sportif et décontracté. J'aimais bien ça, ça commençait à m'apporter un peu d'assurance, mais je n'étais pas forcément moi-même. Et puis je me voyais vieux dans un miroir. Lorsque je voyais des personnes plus jeunes dans la rue, des femmes aux tempes rasées, des hommes avec des dreadlocks, j'appréciais et j'enviais leur style sauvage et indépendant. Et un jour je me suis dit que je n'avais pas envie de vieillir comme ça, que je n'étais pas obligé de me ranger, quelque chose de profond a resurgi du profond de mon être et je me suis libéré en quelque sorte. Je suis un non conformiste dans l'âme, un marginal, j'aime la liberté et l'indépendance (même si tout est relatif bien sûr) !

Mon choix de bijoux :
Toujours de la camelote, pas cher (maximum 10€), assez rustique et pas forcément trop finement travaillée. Un style assez pauvre qui exprime mes conditions de vie précaire et le fait que le peu qu'on a peut satisfaire.
Il y a les bijoux cadeaux :
  • la bague stimming offerte par ma compagne pour marquer notre relation
  • une autre bague du même type qui appartenait à sa mère défunte (une autiste non diagnostiquée qui en a beaucoup souffert)
  • un bracelet torque, qui rappelle les parures celtiques antiques (les guerriers celtes sont pour moi une source d'encouragement, de renforcement et d'inspiration)
Ensuite il y a les bijoux au sens symbolique fort :
  • une bague tête de mort, un "memento mori" (rappelle-toi de mourir), pour me rappeler qu'il ne faut s'attacher à rien, que tout passe pour pouvoir se renouveler et évoluer, dans un mouvement constant
  • une bague tête de loup, parce que pour moi les autistes sont semblables à des loups, indomptables contrairement aux chiens domestiqués auxquels ils sont apparentés, capables de vivre seuls, indépendants et pourchassés, accusés de tous les maux, souvent à tort
  • une bague runique tiwaz, qui symbolise la victoire par le sacrifice, autrement dit, qu'il faut parfois faire des concessions pour obtenir ce qu'on veut
  • une autre bague runique, avec Gebo cette fois-ci, une rune en forme de X, comme deux chemins qui se croisent. Elle me rappelle que la vie est une rencontre permanente. On ne peut pas vivre seul, on n'est jamais complètement seul, tout est une question de relation, sinon plus rien n'a de sens
  • en dernier lieu j'ai une enclume en pendentif, qui symbolise une ancienne déesse celte des forgerons. J'aime ce symbole de la forge car il m'évoque la maîtrise du feu, qui permet de s'outiller et donc d'accéder à un niveau plus avancé de civilisation. Le feu, c'est aussi le feu intérieur, la passion et les émotions. Savoir maîtriser ses émotions c'est aussi accéder à un plus haut niveau de civilisation. Enfin, "l'âme" est forgée par la vie à chaque coup porté, qui nous purifie de nos imperfections, dans un rythme de chauffe et de trempe, dans le feu et dans l'eau, qui représente les moments difficile où on est "sur le feu" et les moments de détente qui sont une contrepartie nécessaire. Le travail du métal est brutal, soit par le feu, soit par les coups, soit par l'eau, ce qui me semble bien correspondre à la brutalité que je ressens dans la vie quotidienne.
Tous ces symboles me ramènent aux principes de la vie que je considère essentiels, à mes convictions, à ce qui me réconforte et me permet de l'exprimer pour trouver et prendre ma place dans ce monde en me donnant la force d'affronter son agressivité permanente.

L'algorithme de l'autisme

Je tente ici de résumer l'autisme, qui est souvent si complexe et paradoxale que les gens s'y perdent, dans ses points les plus essentiels.
C'est un essai, je ne garantie pas que tout le monde sera d'accord, mais c'est une synthèse entre mon expérience personnelle, ce que je connais personnellement des autres et ce que je sais des conceptions scientifiques que j'ai pu lire.
Voici donc, selon moi, le résumé de l'autisme, réduit à sa forme la plus élémentaire et cohérente et les moyens de le gérer :

L'autisme est une spécificité neuro-développementale qui entraîne des particularités sensorielles, par conséquent aussi perceptives, qui se manifestent par des particularités comportementales et communicationnelles, entraînant un handicap vis-à-vis de la société telle qu'elle est aujourd'hui.

4 axes importants dont il faut se rappeler :
- 2 pour reconnaître l'autisme : la base qu'on retrouve chez tous les autistes, ce sont les particularités de communication et les centres d'intérêts envahissants (la dyade autistique). Tout les autres signes d'autisme se développent autour de ces deux là.
- 2 pour savoir comment le gérer : toujours viser l'autonomie et le bien-être (notions qui varient d'une personne à l'autre).
Donc :
A = spécificité neuro-développementale >> particularités sensorielles >> particularités perceptives = particularités de communication + de comportement / recherche d'autonomie + recherche du bien-être

En mode "frénésie guerrière"

C'est assez nouveau pour moi. Depuis plusieurs moi je suis très actif. Beaucoup plus dynamique, concentré, discipliné, rigoureux, j'arrive à prendre sur moi pour m'investir sur tous les fronts. Vie de couple, vie de famille, activités associatives, je m'occupe de ma maison, je fais des démarches avec ma compagne, je remplis des dossiers, je rencontre des gens, je participe à des réunions où j'apporte mon point de vue sur l'autisme.
Mon planning s'est bien rempli et j'ai un rythme de presque une ou deux tâches importantes par jour chaque semaine depuis plusieurs mois.

Au début j'ai senti que les choses s'emballaient et j'avais tendance à avoir un réflexe de repli, mais j'avais besoin de m'investir socialement après plusieurs mois de retrait intensif, alors je me suis laissé emporté par le courant. J'ai tout de même veillé à préserver chaque jour un temps dans ma bulle de mondes virtuelles à travers les jeux vidéos, certains jours jusqu'à me forcer à jouer même si je n'avais pas envie afin de maintenir l'équilibre, tant l'investissement extérieur me faisait plaisir tout en me fatiguant beaucoup.
En général je vais travailler à mes diverses tâches du matin jusqu'au milieu d'après-midi, ensuite je prends du temps pour moi, un peu plus enfermé dans ma bulle.

Après plusieurs mois de fonctionnement à plein régime, à force de sortir de ma bulle chaque jour et de voir du monde, ça me met sur les nerfs et j'utilise cette énergie en la canalisant pour me "propulser en avant" (ou au dehors), comme si je me nourrissais de ma propre souffrance, un peu comme quand on se bat et que la douleur ressentie par les coups reçus donne l'énergie nécessaire pour se défendre. Je veille quand même à ne pas dépasser mes limites en étant attentif aux signes d'un éventuel craquage et je me tiens à l'extrême limite.

À force, je suis plus combatif, je ne fais plus attention aux difficultés ressenties, comme par la chaleur durant la canicule, le bruit des travaux dans la rue, la fatigue. Je m'habitue à l'inconfort, aux tensions sociales, aux petites difficultés de la vie quotidienne et je remplis les objectifs que je m'étais fixés sans faiblir. Je cherche même une certaine austérité, je choisis les méthodes plutôt difficiles que faciles, dans un esprit sportif, ou guerrier, comme un soldat qui ne ressent plus les petites blessures dans la fureur du combat. Réussir à vaincre les situations autrefois impossibles à surmonter, arriver à trouver ma place dans la société, recevoir l'appréciation des gens qui m'entourent et avec qui je travaille, tout cela est bon pour mon estime de moi-même, ça renforce ma personnalité, qui se développe de plus en plus et j'ai toujours envie de davantage de petites victoires, de difficultés surmontées, de défis à relever. J'avoue que depuis deux semaines, où j'ai géré mon dossier MDPH, mon dossier d'aide sociale, l'achat d'une voiture, la carte grise, puis maintenant la vente de mon ancienne voiture et le dossier carte grise qui va avec, plus l'assurance et un changement de banque dans la foulée, sachant qu'après j'ai le dossier ITEP de mon fils à faire, je sens que je commence à saturer... mais je me gère en prenant plus de temps pour moi et en acceptant que tout ne soit pas fait de façon parfaite.

Je suis enragé, survolté, méchamment déterminé, j'ai régulièrement envie de taper les gens qui m'énervent par leur bêtise ou leur mollesse, mais je me tiens tranquille et je réserve l'expression de ma violence aux jeux vidéos.
Pour la vie sociale, la maîtrise de soi est de rigueur. La violence des autistes est quelque chose dont on parle peu. Quasiment jamais portée sur des personnes, mais plutôt sur des objets, être autiste c'est être constamment agressé par toute sorte de choses. Il y a un moment où l'on fini par exploser. On peut casser du matériel, hurler, se rouler par terre, mais on peut le plus souvent se renfermer sur soi, pratiquer des auto-mutilations ou entrer en conflit avec les gens jusqu'à la rupture de relation.

En fait, c'est comme le principe du moteur à explosion. Lors de l'accumulation de gaz dans un milieu clos, comme dans une maison, si le gaz est mis en contact avec une étincelle, il s'ensuivra une violente explosion. Mais si on injecte un gaz dans un cylindre de moteur de voiture, et qu'on le met en contact avec une étincelle, l'explosion ainsi provoquée va créer une force de propulsion. De la même façon, il me semble que toutes les petites agressions de ma vie quotidienne sont compartimentées et "allumées" au fur et à mesure de leur apparition. Avant j'avais tendance à beaucoup prendre sur moi, à accumuler jusqu'à ce que j'explose pour une broutille, une goutte d'eau qui faisait déborder le vase. Personne ne comprenait pourquoi j'explosais de colère à ce moment précis car la situation ne semblait pas dramatique. Aujourd'hui, cette façon de gérer en multiples micro colères quotidiennes me permet d'avancer dans la vie et d'avoir une vie un peu plus comme tout le monde.

Seul bémol, mon état permanent d'excitation peut parfois être un peu difficile à supporter pour des gens qui ont davantage besoin de repos ou de repli autistique. Je dois certes être un peu névrosé, "masochiste", mais qu'importe, ça fonctionne, je suis heureux, épanoui et j'arrive à trouver mon utilité dans la société et pour moi c'est important.

"Sonnez et entrez"

La société est comme le cabinet d'un médecin. Si vous sonnez et que vous attendez qu'on vous ouvre, vous n'y entrerez jamais.

Inutile de vous plaindre. Ce n'est pas que personne ne vous aime ou que vous êtes nul, c'est juste que vous devez comprendre qu'il ne faut pas toujours attendre l'accord des autres pour agir.

Je n'ai pas à faire le fier, j'ai compris cela il y a seulement quelques mois.
Dans l'association où je suis actif, je faisais beaucoup de propositions qui restaient sans suite, car j'attendais toujours l'accord des autres membres responsables, qui n'avaient pas forcément toujours le temps de me répondre. Ne voulant pas les déranger, je n'insistais pas davantage et ne présentais qu'une fois ma proposition, qui finissait souvent aux oubliettes, perdue dans le flot du fil de discussion.

Ah, le manque de confiance en soi, l'impression de toujours être moins que les autres ! Que de potentiel perdu !

Je me suis alors renfermé sur moi-même pendant plusieurs mois, me disant que je ne trouvais pas ma place, que j'étais trop loin de tout pour pouvoir agir, que personne ne se souciait de ce que je pouvais faire. Et puis un jour, un membre de notre organisation nous a lâché, subitement. Comme il avait récupéré une partie de mes fonctions, je me suis remis à l’œuvre avec une motivation mue par la colère, colère contre moi-même avant tout, de ne pas avoir suivi tout ce qui s'était passé, d'avoir laissé faire n'importe quoi.
Alors j'ai tout repris en main et depuis je ne me suis plus arrêté, à tel point que faire ce que je considère être utile et juste en prévenant mais sans attendre d'autorisation est devenu une seconde nature qui me sert dans la vie de tous les jours.

Hier chez le vétérinaire pour faire castrer mon chat (qui a un caractère assez sauvage mais que je peux maîtriser), je souhaitais rester près de lui et le tenir pour la piqûre d'anesthésie. La vétérinaire avait sa propre façon d'agir avec une cage de contention. Mais j'ai insisté pour le tenir moi-même et ça s'est effectivement bien passé. J'ai pu ainsi éviter à mon chat une expérience plus difficile qu'il n'était nécessaire.

Pareil quand je l'ai récupéré. Les vétérinaire l'avait mis dans un caisse plus solide que la mienne, car ils avaient peur que trop énervé, il finisse par réussir à ouvrir l'ouverture du haut de sa caisse que j'avais scotché le matin même. J'allais donc devoir partir avec deux caisses, mais je n'avais aucune envie d'être obligé de revenir. Je suis donc allé dans leur bureau (ou l'une des vétérinaire était en train de remplir nos papiers pour l'assurance) et j'ai dit que je voulais le remettre dans sa boîte, car je savais qu'avec moi ça se passerait bien et que je pourrais le calmer. C'est ce que j'ai fait, et je me suis épargné un retour inutile au cabinet.

Notre vie est précieuse et précieux aussi notre temps, comme pour tout le monde.

Voilà le mot d'ordre : "sonnez et entrez". Faites ce que vous avez à faire. Personne ne vous fera entrer dans la société, personne ne vous amènera à prendre votre place. Au mieux vous aurez un peu d'aide, mais comptez avant tout sur vous même et n'hésitez pas à "utiliser" les gens autour de vous, ceux qui ont des compétences que vous n'avez pas. Les autres font ça aussi avec vous, ce n'est pas mauvais, c'est du "gagnant-gagnant". Faites ce que vous voulez (sauf ce qui est clairement interdit), vous verrez bien si on vous arrête !